Six ans de pénitencier pour le père incestueux

L’ex-Warwickois Paul-Émile Therrien, 79 ans, a été condamné, vendredi matin, à une peine globale de six ans de pénitencier pour avoir agressé sa fille Annick Therrien et sa fille adoptive Natacha Michaud-Therrien sur une longue période.

Le juge Serge Francoeur de la Cour supérieure du Québec, par visioconférence, a ainsi fait la lecture, pendant une heure, de son jugement sur la détermination de la peine.

Il a d’abord rappelé qu’un jury avait trouvé Paul-Émile Therrien coupable (le 30 mars) des 10 chefs d’accusation auxquels il faisait face, des accusations d’agression sexuelle, d’inceste, de grossière indécence, de menaces de mort, de contacts sexuels, contacts en situation de confiance ou d’autorité et incitation à des contacts sexuels.

Me Ronald Robichaud et Paul-Émile Therrien (Photo lanouvelle.net – Archives)

Les gestes posés par le septuagénaire ont été commis, dans la maison familiale de Warwick, entre le 21 octobre 1984 et le 14 mars 1999.

Ces crimes sont passibles, a observé le magistrat, de 5 à 14 ans de prison, 14 ans pour l’inceste.

Faisant état des objectifs entourant l’imposition d’une peine, le juge Francoeur a fait valoir qu’en matière d’abus, de mauvais traitements envers les enfants, le Tribunal devait porter une attention particulière aux objectifs de dénonciation des comportements et de dissuasion.

Dans sa décision, le président du Tribunal a rappelé les faits, prévenant que l’exercice pouvait s’avérer difficile pour les victimes.

Dans cette affaire, Me Michel Verville du ministère public réclamait huit ans de pénitencier tandis que Me Ronald Robichaud, en défense, a plaidé pour une peine entre 18 mois et 2 ans moins 1 jour relevant des contradictions entre les témoignages des victimes à l’enquête préliminaire et au procès pour expliquer la négation complète de l’accusé. Mais le Tribunal, a précisé le juge Francoeur, «attache peu d’importance à de telles contradictions».

Le magistrat, en faisant connaître sa décision, a souligné que le Tribunal considère comme prouvés tous les faits essentiels aux verdicts de culpabilité rendus par le jury.

Le juge ne retient que peu de facteurs atténuants, ne signalant que l’absence d’infractions après 1999, le fait qu’il ait été un actif pour la société par son travail et l’absence d’antécédents judiciaires.

Par contre, il a exposé de nombreux facteurs aggravants : l’absence d’empathie de l’accusé envers les victimes, sa négation de toute responsabilité, l’absence de remise en question, l’absence de psychopathologie majeure comme explication des gestes, sa situation d’autorité, les infractions qui constituent des mauvais traitements envers un enfant, la vulnérabilité des victimes, la gravité objective de chacune des infractions, l’âge des victimes, les longues périodes au cours desquels les gestes ont été posés, la régularité des sévices, la manipulation et même la violence envers Annick, les lieux des agressions, «la résidence familiale où elles auraient dû se sentir en sécurité, les séquelles psychologiques importantes chez les victimes et la brisure de liens familiaux.

Le juge Serge Francoeur écrit que les tribunaux tendent à juger que le principe de dénonciation «revêt une importance particulièrement grande dans les cas d’infractions perpétrées contre des enfants par des adultes en situation de confiance ou de pouvoir».

La Cour suprême signale aussi l’importance de prononcer une peine de nature à susciter chez l’accusé la conscience de sa responsabilité lorsqu’il fait preuve de très peu de compassion et d’empathie à l’égard de sa victime et qu’il cherche à minimiser la portée de ses gestes (…)

Concernant Paul-Émile Therrien, «le Tribunal ne peut passer sous silence que la réalité factuelle dans la famille Therrien est que l’accusé, entre l’âge de 40 et de 60 ans, soit pendant 20 ans, a agressé à maintes reprises, de façon continue, une de ses filles demeurant à la maison (…)

Le juge ajoute qu’après le départ de sa fille biologique de la résidence familiale, l’accusé s’est livré aux mêmes gestes envers la cadette (sa fille adoptive).

«Quand on adopte un enfant, qu’on explique la misère à laquelle elle est confrontée (malnutrition, mauvaise santé), ne doit-on pas la protéger au lieu de l’agresser?», exprime le juge Francoeur.

Le magistrat se questionne encore : «Sans minimiser aucun des gestes posés par l’accusé (…) en existe-t-il un plus odieux qu’avoir une ou des relations sexuelles complètes avec ses filles? La plus âgée quitte et cette perversité se continue sur la cadette. On ne doit pas omettre d’également considérer qu’il a menacé une victime (Annick Therrien) avec un revolver sur la tempe, de changer sa version et de ne pas parler des agressions subies à la DPJ.»

Après avoir évoqué 12 autres décisions de jurisprudence (en plus de celles soulevées par les parties, le juge Francoeur a ordonné à Paul-Émile Therrien de se lever pour ensuite prononcer les peines suivantes, des peines concurrentes (elles ne s’additionnent pas) : six ans pour inceste, cinq ans d’emprisonnement pour contacts sexuels sur une enfant de moins de 14 ans, trois ans de détention pour agression sexuelle,  deux peines de trois ans pour contacts sexuels en situation d’autorité et une peine d’un an de réclusion pour menaces de mort.

Par ailleurs, Paul-Émile Therrien voit aussi son nom inscrit au registre des délinquants sexuels pour une période de 20 ans. Le Tribunal lui interdit aussi, durant sa détention, de communiquer directement ou indirectement avec les victimes.

Une fois l’audience terminée, le septuagénaire a pris le chemin des cellules.

À la sortie de la salle d’audience, son avocat Me Ronald Robichaud a rappelé que son client niait les faits, qu’il interjetait appel du verdict et qu’il allait tenter, jeudi prochain, d’obtenir sa libération provisoire durant les procédures d’appel.