Accident sur la 116 : il textait à 152 km/h

Au moment de la collision, le 4 juillet 2018 en soirée, le Warwickois Billy Bischof textait au volant de sa camionnette et il filait à 152 km/h lorsqu’il a embouti l’arrière de la Toyota Yaris de la victime, une jeune femme de 25 ans qui a subi de graves blessures.

C’est notamment ce qu’on a pu apprendre, jeudi matin, au palais de justice de Victoriaville dans le rappel des faits par le procureur de la poursuite, Me Jean-Philippe Garneau, à l’occasion des représentations sur la peine.

Le 15 février dernier, Bischof avait reconnu sa culpabilité à des accusations de conduite dangereuse et de délit de fuite causant des lésions corporelles.

La collision, a précisé Me Garneau, s’est produite entre 21 h 15 et 21 h 30. L’accusé et la victime revenaient tous deux du dek hockey pratiqué au lac Le Mirage de Princeville et circulaient en direction ouest (vers Victoriaville).

La collision est survenue à la hauteur de l’aéroport André-Fortin. Après le violent impact, la voiture de la victime a effectué des tonneaux pour s’immobiliser loin dans le champ de l’autre côté de la piste cyclable (Parc linéaire des Bois-Francs), à 109 mètres du lieu de l’impact.

Me Jean-Philippe Garneau de la poursuite (Photo www.lanouvelle.net – Archives)

L’automobile n’était aucunement visible de la route. Par chance, deux citoyens ont entendu le bruit de l’impact. «Ils ont cherché et finalement trouvé la victime à cinq mètres de sa voiture. Malgré qu’elle avait bouclé sa ceinture, elle a été éjectée», a précisé le représentant de la poursuite.

D’abord conduite à l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska, la jeune femme a ensuite été transférée au Centre hospitalier régional de Trois-Rivières.

Billy Bischof, lui, après l’impact, a quitté les lieux. «Il est retourné chez lui, a tout raconté à sa conjointe. Le lendemain, il s’est présenté au poste de la Sûreté du Québec. Il a tout avoué dans une déclaration incriminante», a souligné Me Jean-Philippe Garneau.

L’enquête policière démontre que, cinq secondes avant la collision, la camionnette conduite par Billy Bischof a accéléré de 140 à 153 km/h. Et au moment de l’impact, la vitesse était de 152 km/h tandis que la victime filait à 98 km/h.

«Dans sa déclaration, l’accusé a confié avoir bu deux verres de bière après sa partie et dit avoir paniqué après la collision», a confié Me Garneau en terminant le résumé des faits.

Preuve de la poursuite

Le procureur du ministère public a fait entendre trois témoins dans le cadre de sa preuve, à commencer par le témoignage de la victime, une directrice de restaurant d’une chaîne bien connue.

D’entrée de jeu, en lisant la lettre qu’elle a rédigée, elle s’est adressée directement à Billy Bischof. «Tu textais… Moi aussi, j’ai déjà texté, mais je me serais arrêtée si j’avais causé un accident. Qu’est-ce qui s’est passé dans ta tête ce soir-là?», lui demande-t-elle, tout en s’interrogeant sur les raisons de sa fuite et de l’avoir laissée pour morte. «J’ai été chanceuse que deux personnes me trouvent», a-t-elle confié.

La victime a fait part de ses 10 jours d’hospitalisation et de ses 7 jours dans le coma. Elle a terriblement souffert. «Ça m’a fait tellement mal que ça ne s’explique même pas», a-t-elle indiqué.

Elle a avoué avoir craint de demeurer «légume», de ne pouvoir avoir d’enfants, de ne pas retrouver sa vie d’avant.

En réadaptation, elle a vécu des moments pénibles. «J’ai eu envie de tout lâcher. Ç’a été dur physiquement, j’ai beaucoup souffert, mais ç’a été très difficile pour le moral», a fait savoir la jeune femme.

La victime a aussi raconté comment se passaient ses journées, ses rendez-vous médicaux. «J’ai encore des suivis en ergothérapie, en physiothérapie. Je consulte encore un psychologue», a-t-elle noté, précisant aussi qu’elle était aux prises avec des migraines à répétition. Elle doit aussi composer avec des cicatrices. «Chaque matin me rappelle l’accident.»

Avec les spécialistes, elle dit avoir pris conscience que les conséquences psychologiques sont plus importantes qu’elle ne le croyait. «Je ne me trouve plus attirante. Avant je me trouvais belle», a-t-elle souligné.

Malgré son traumatisme crânien et ses fractures multiples, elle a repris très graduellement le travail trois mois après l’accident. «Aujourd’hui, a-t-elle dit, je travaille 28 heures réparties sur 5 jours.» Ce qui ne la satisfait pas puisque cette passionnée du boulot travaillait auparavant de 50 à 60 heures par semaine. «Il me reste beaucoup de progrès à faire.»
La jeune femme a conclu son témoignage en affirmant que jamais, elle ne pourra pardonner à Billy Bischof. «Je ne pensais pas qu’un accident pouvait autant chambouler une vie en une fraction de seconde. Je me souhaite de redevenir la même personne que j’étais et même une meilleure version de moi-même», a-t-elle terminé.

La mère de la victime, ensuite, a raconté l’aide que bien des proches ont apportée à sa fille. Pendant deux mois, les proches ont dû se relayer, prendre des vacances, pour lui apporter des soins, l’aider à manger, à se laver, à se vêtir. «Il fallait quelqu’un en permanence avec elle», a-t-elle relaté.

Comme dernier témoin, Me Garneau du ministère public a fait entendre un policier, le capitaine Cédrick Brunelle, directeur du Centre de services MRC (Arthabaska-Érable), venu expliquer le contexte de la route 116, la plus achalandée dans la région, et le projet Route 116 lancé à la fin mai 2016 visant à réduire le nombre de collisions par le changement des comportements des conducteurs.

Les statistiques, a-t-il révélé, montrent justement que les comportements des usagers de la route expliquent la plupart des accidents.

En défense

Interrogé par son avocat Me Daniel Landry, Billy Bischof a expliqué la collision par la colère et l’impulsivité.

Questionné sur ce qu’il retenait du tragique événement, il a répondu : «J’avais un sérieux problème entre les deux oreilles. J’avais besoin d’aide.»

Bischof a dit regretter ses gestes. «J’en suis sincèrement désolé, a-t-il exprimé. J’aurais aimé, en février, m’excuser en personne. J’ai demandé à lui parler en privé, mais cela a été refusé.»

Le jeune Warwickois a fait part de son cheminement, de ses rencontres avec un psychologue de l’organisme Homme alternative et d’un suivi avec un coach de vie en programmation neurolinguistique.

«Votre réflexion est-elle terminée?», lui a demandé son avocat. «Ç’a été long à digérer, a-t-il mentionné. Ce n’est pas dans mes valeurs de laisser quelqu’un en difficulté.»

Billy Bischof souhaite éviter la détention, lui qui, depuis mai, travaille dans l’installation de clôtures. «L’entreprise veut me garder et m’offre de devenir chef d’équipe. La détention m’empêcherait de travailler. Tout tomberait à l’eau et je perdrais ma maison», a-t-il affirmé.

Le jeune homme dit pouvoir compter sur le support de sa conjointe, mais aussi d’anciens collègues qui «ont vu mon changement de comportements et de pensée». Billy Bischof soutient aussi qu’il n’hésitera pas à aller chercher de l’aide si d’autres pensées négatives surviennent.

Contre-interrogé par la poursuite, le Warwickois a expliqué qu’une mauvaise nouvelle concernant sa conjointe motivait sa colère et son impulsivité. «Ce qui pressait, a-t-il dit, c’était de savoir la vérité de ma conjointe.»

Questionné par Me Garneau, il a maintenu qu’il n’avait bu que deux verres de bière et rien de plus. Il dira plus tard, comme le montre une vidéo, qu’il ne se souvenait pas d’avoir pris une gorgée dans un pichet.

Au sujet de cette vidéo, admise en contre-preuve, le juge Simon Ricard de la Cour du Québec a prévenu qu’elle ne prouvait en rien la quantité d’alcool consommée par l’accusé qui, d’ailleurs, ne faisait face à aucune accusation en lien avec l’alcool.

Les plaidoiries

Premier à plaider, Me Jean-Philippe Garneau de la poursuite a souligné, dès le départ, les nombreuses infractions au Code de la sécurité routière commises par l’accusé. «C’est là où le bât blesse. Il utilisait son cellulaire, a échangé plusieurs messages textes avec sa conjointe et avec son père dans un état d’esprit de colère. De plus, il circulait au milieu des deux voies à une vitesse excessive dépassant de 62 km/h la limite permise», a insisté Me Garneau soutenant que l’individu était conscient de ce qu’il faisait et des infractions sous-jacentes. «Et il a quitté les lieux. Il faut vouloir éviter toute forme de responsabilité», a-t-il soutenu.

Le procureur a exposé des facteurs aggravants, les blessures majeures de la victime qui «fait preuve de beaucoup de résilience». «Elle ne l’a pas eu et ne l’a pas facile», a-t-il confié.

Me Garneau, en lien avec le témoignage du capitaine Brunelle, croit que le Tribunal doit tenir compte, dans les facteurs de dénonciation et de dissuasion, de cette réalité locale de la route 116 «classée meurtrière» et du fait que des mesures ont été mises en place pour sensibiliser les usages de la route à adopter un comportement responsable.

Le procureur du ministère public, après avoir déposé divers cas de jurisprudence, a réclamé, pour la conduite dangereuse, une peine de 9 à 12 mois de prison ferme. Il a plaidé, de plus, une peine consécutive (qui s’ajouterait) de trois à six mois de détention pour le délit de fuite. «Il s’est sauvé, abandonnant la victime. Il a pensé strictement à lui-même», a conclu Me Garneau.

En défense, Me Daniel Landry a exposé des facteurs atténuants, comme le plaidoyer de culpabilité de son client âgé de 24 ans, permettant d’éviter une longue enquête préliminaire et un procès. «Il s’est présenté de lui-même à la police, a bien collaboré. Il possède aussi un bon dossier de conduite à la Société de l’assurance automobile du Québec, sans compter que son rapport présentenciel est positif», a-t-il observé.

Me Landry a aussi insisté sur les démarches entreprises par Billy Bischof qui lui ont permis «d’être mieux outillé pour faire face aux insatisfactions de la vie». «Il a pris les moyens thérapeutiques pour corriger son impulsivité et son agressivité qui l’ont poussé à conduire comme il l’a fait et ainsi causé l’accident», a fait valoir l’avocat tout en rappelant que son client regrettait sincèrement ses gestes. «Il est prêt à accepter son erreur déplorable et inacceptable», a-t-il ajouté.

L’avocat croit que les procédures ont eu un effet dissuasif chez lui, comme le démontrent les démarches thérapeutiques pour modifier son état.

Me Landry, plutôt que la détention, estime qu’il faut aider Billy Bischof dans son cheminement. «Il est un actif, un travaillant, la société a besoin de quelqu’un comme lui. La détention risque de lui faire perdre son travail et sa maison.»

C’est pourquoi l’avocat a suggéré l’imposition d’un nombre d’heures très significatif de travaux communautaires, d’une période de probation de trois ans avec un suivi et des conditions strictes.

Le juge Ricard a pris sa décision en délibéré. Il fera connaître le fruit de sa réflexion le 7 août.

Il se prononcera aussi sur la durée d’une possible interdiction de conduire.