La noblesse du fromage en crottes

Warwick deviendra le théâtre de la préparation et de la dégustation de la plus grosse poutine au monde. L’organisation de l’événement, composée de trois fromageries et de la Ville de Warwick, souhaite en faire un moment symbolique.

Jean Morin, propriétaire de la Fromagerie du Presbytère, accumule les prix de toute sorte depuis 2005, pour ses fromages fins. Pourtant, depuis plus de 10 ans, son équipe prépare du fromage en grains, tous les vendredis de la période estivale. Cette journée attire les foules et le village se transforme en grande réunion familiale. Pourquoi ce souci pour le cheddar en crottes?

«Le fromage en grains a été un peu ridiculisé il y a 20 ans. À cette époque, je n’avais pas envie d’en produire. Je voulais qu’on se distingue avec les produits biologiques et de beaux fromages fins. Aujourd’hui, on a fait nos preuves, mais je crois aussi qu’il faut continuer à offrir au monde ce qu’il aime. Le fromage en grains est populaire. C’est une collation. On peut en faire un repas. Ça fait aussi partie de l’histoire de notre région, avec le fromage dans le p’tit lait et en fesses. Culturellement, c’est très représentatif de ce qui s’est passé dans le domaine depuis 50 ans», raconte Jean Morin. En outre, il juge que la poutine figure tout en haut des plats auxquels s’associent les Québécois. Cet met typique revêt des airs gastronomiques depuis des années, alors qu’on l’a apprêté à toutes les sauces. Les plus grands restaurants proposent leur version et les gens ont cessé de le bouder, pense M. Morin.

Le symbole warwickois

M. Morin choisit de s’installer dans le village voisin du sien pour établir un nouveau record Guinness pour des raisons pratiques, mais aussi pour favoriser le sentiment de fierté régionale qu’il veut voir s’affermir. «Warwick dispose de l’espace, des ressources techniques et humaines, mais ils l’ont bâti la poutine. Alors pourquoi ne pas s’allier à ceux qui l’ont inventée?», explique-t-il. Tous ces éléments réunis permettront peut-être de passer un message au reste du monde : le Centre-du-Québec s’avère un producteur incontournable de fromages, qu’ils soient fins ou frais.

Les défis techniques s’annoncent multiples. Guinness impose un protocole strict pour l’homologation du record, tandis que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec édicte ses propres règles. D’un côté, la pesée des ingrédients se fera sous haute surveillance. De l’autre, l’hygiène nécessitera que tous les bénévoles se soumettent à certaines directives. Quelque 150 volontaires figurent déjà aux effectifs nécessaires, autour du plat seulement. Il faudra en recruter davantage pour s’assurer du bon déroulement de toutes les opérations.

Trois fromageries, représentant Sainte-Élizabeth-de-Warwick, Victoriaville et Warwick, mettront en fonction leurs bassins dans la nuit. Le transport des matières premières réclame aussi une logistique. Quarante friteuses cuiront les frites simultanément. Une table de 60 pieds de long, cinq de largeur et un pied de haut, qui ressemble à «une grande panne à sirop d’érable», servira d’assiette pour cette énorme poutine. Les bénévoles prépareront les portions destinées aux détenteurs de billet, car pas question que tout un chacun y mette les pattes.

Enfin, pour la sauce, on effectue actuellement des tests pour sélectionner celle qui plaira au plus grand nombre.