Le statu quo n’est plus une option

D’année en année, le nombre de hockeyeurs québécois qui décident de s’engager auprès des universités américaines s’accentue. Il y a cependant lieu de se demander si cela est réellement la meilleure option pour eux.

Cette année, des joueurs québécois tels que Tristan Luneau (Université du Wisconsin), Guillaume Richard (Université du Maine), Jacob Guévin (Université du Nebraska-Omaha), William Rousseau (Université du Nebraska-Omaha) et Zachary Bolduc (pas encore engagé avec une université, mais 21e choix en USHL) ont décidé de s’engager avec un établissement américain membre de la National Collegiate Athletic Association (NCAA).

Avant d’aller plus loin, il est hautement important de saisir que l’éducation est un élément clé dans notre société. Les hockeyeurs en sont aujourd’hui beaucoup plus conscients et c’est pourquoi ils décident de plus en plus de s’exiler aux États-Unis afin d’y fréquenter une université américaine. Ce qu’on y fait miroiter est alléchant. Bourse d’études, diplôme d’une prestigieuse université américaine, vie de campus, programme de hockey axé sur le développement, importante visibilité auprès des recruteurs et calendrier moins chargé font partie de l’éventail non exhaustif des avantages à prendre le chemin de la NCAA. Est-ce cependant le meilleur choix? Ici, il n’est pas question de remettre en doute l’importance des études. Ce n’est pas le but. Cela étant dit, il faut se demander si la NCAA est vraiment la meilleure porte d’entrée afin d’accéder à la Ligue nationale de hockey (LNH) pour ceux dont c’est le but premier.

Lors de la dernière saison, 57 Québécois ont foulé les patinoires de la LNH. De ce nombre, seulement six sont issus des collèges américains. Il s’agit d’Alex Biega (Canucks de Vancouver), Kevin Roy (Ducks d’Anaheim), Alex Chiasson (Oilers d’Edmonton), Michael Matheson (Panthers de la Floride), John Gilmour (Rangers de New York) et A.J. Greer (Avalanche du Colorado). Ce nombre représente 8,7% des patineurs fleurdelisés. Et du lot, Greer, insatisfait de son utilisation, a quitté la prestigieuse Université de Boston afin de venir s’aligner avec les Huskies de Rouyn-Noranda lors de la saison 2015-2016.

Les autres hockeyeurs natifs de la Belle-Province ont évidemment transité par la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ) avant d’atteindre la LNH. Ainsi, jusqu’à preuve du contraire, c’est ce circuit qui demeure la porte d’accès principale pour les jeunes joueurs s’ils espèrent atteindre la meilleure ligue au monde.

Des coûts élevés pour les familles

En discutant avec différentes personnalités du monde du hockey, celles-ci ne se montrent pas trop inquiètes face à cette nouvelle tendance pour différentes raisons. Outre le fait que le circuit québécois demeure la meilleure porte d’entrée vers la LNH, elles évoquent également le côté financier pour expliquer leur confiance face à ce supposé exode vers la NCAA.

Il faut comprendre que ce ne sont pas tous les hockeyeurs qui profitent d’une bourse complète (full scholarship) pour s’aligner aux États-Unis. Il faut vraiment être un surdoué pour y avoir droit. Dans la plupart des cas, il s’agit de bourses qui permettent d’éponger une bonne partie des frais liés à la fréquentation de l’établissement. C’est attrayant, mais quand on connait les coûts faramineux que cela implique, ça laisse quand même une importante partie à défrayer pour les parents.

Par exemple, dans le cas de l’Université du Nebraska-Omaha, il faut compter un coût approximatif de 36 080 $ US pour y étudier pendant deux sessions. En prenant en compte une bourse qui couvre par exemple 80% des dépenses, cela laisse 7216 $ US (10 102 $ canadiens) à payer aux parents du joueur. Une somme qui peut être exigée durant quatre ans, ce qui peut donner le vertige à une famille de la classe moyenne.

Ainsi, à moins d’avoir une bourse complète, l’avenue des États-Unis peut s’avérer hautement onéreuse. Dans la LHJMQ, les parents n’ont pas à payer pour la poursuite du rêve de leur enfant.

Se regarder dans le miroir

Le récent exode des jeunes Québécois doit cependant alerter le commissaire Gilles Courteau. Cette tendance démontre qu’il y a quelques aspects qui doivent être améliorés. C’est l’évidence même. Ce n’est certainement pas en restant campé sur ses positions que les choses vont aller en s’améliorant.

La LHJMQ a fait des efforts hautement louables afin d’améliorer la conciliation entre les études et le hockey ces dernières années. Elle a mis en place un système de bourses appréciable qui permet à ses anciens de fréquenter d’excellentes universités canadiennes. Le circuit Courteau doit cependant continuer de mousser et de peaufiner encore plus cet aspect de son arsenal auprès des joueurs.

C’est devenu une priorité pour eux, alors les autorités du circuit doivent faire tout en leur possible pour les convaincre qu’une fois leur stage junior terminé, advenant qu’une carrière professionnelle ne se soit pas matérialisée, les universités canadiennes représentent une option tout aussi valable. Celles-ci doivent également retrousser leurs manches afin d’attirer les hockeyeurs. C’est une ligue où le calibre est plus que respectable, mais qui manque clairement de visibilité et de renommée. À eux de prendre les choses en main afin de convaincre les jeunes.

Le calendrier hautement chargé de la LHJMQ est possiblement une autre facette qui joue en sa défaveur. Avec les matchs préparatoires, les 68 parties de saison régulière et les séries, ça fait énormément de parties disputées dans l’Est du Canada. Cela gruge donc du précieux temps pour l’entraînement et pour les études. Avec un tel horaire, il est difficile pour les hockeyeurs d’avoir pleinement la tête à leurs études. Ils manquent un nombre important d’heures sur les bancs d’école.

Ainsi, en réduisant le calendrier d’une dizaine de parties, par exemple, cela donnerait plus de temps à ces athlètes-étudiants pour concilier ces deux aspects de leur vie. Ils auraient ainsi plus de temps pour se développer et étudier. Une telle option viendrait évidemment diminuer les revenus de certaines équipes, mais dans une ligue dite de développement, n’est-ce pas cela que l’on devrait prioriser? Il faut penser au bien-être des joueurs et écouter leur demande si on veut les garder chez nous afin qu’ils fassent rayonner la LHJMQ comme plusieurs de leurs prédécesseurs. La réalité a changé, le circuit Courteau demeure la meilleure option pour atteindre les rangs professionnels, mais il y a place à l’amélioration. Le statu quo n’est plus une option.