Procès Therrien : l’accusé contre-interrogé

Le procès de Paul-Émile Therrien, accusé de crimes sexuels sur deux de ses filles, dont sa fille adoptive, n’a repris que peu après 10 h, mercredi, au palais de justice de Victoriaville.

C’est qu’auparavant, les parties ont discuté de points de droit. Une fois les 11 jurés (7 femmes et 4 hommes) bien en place, le juge Serge Francoeur de la Cour supérieure du Québec a permis le dépôt en preuve et la présentation d’une courte vidéo.

Il s’agit, en fait, d’un reportage télévisé issu d’une émission appelée Plein Emploi et qui présentait un topo sur l’entreprise d’insertion Prise de Victoriaville. Un reportage de septembre 1998 dans lequel apparaît la fille adoptive de l’accusé qui faisait alors partie de la vingtaine de stagiaires de l’entreprise.

Cela a mis un terme à l’interrogatoire de l’accusé par son avocat Me Ronald Robichaud.

La poursuite, représentée par Me Michel Verville, a ensuite entrepris le contre-interrogatoire de l’homme de 79 ans questionné d’abord sur la façon dont se sont terminés les contacts avec ses filles, les plaignantes dans cette affaire.

Me Michel Verville de la poursuite et le sergent François Beaudoin, enquêteur au dossier
(Photo www.lanouvelle.net)

L’envoi d’une mise en demeure en 2002 par sa fille adoptive a mis un terme aux relations avec elle,  a confié l’accusé.

Quant à sa fille, sa dernière visite à la maison familiale remonte, a-t-il dit, à septembre 2007. «Son fils aimait jouer, sa baigner. Il était bien et ne voulait plus s’en aller. Il a piqué une grosse crise», a-t-il relaté.

«Elle a inventé une histoire comme quoi son fils m’aurait vu sortir de la douche nu. Elle a inventé ça pour ne plus venir à la maison, car son fils aimé trop ça venir chez nous», a soutenu le septuagénaire.

«Vous n’avez pas cherché à prendre contact?», lui a demandé Me Verville. «J’attendais qu’elle change d’idée, qu’elle revienne», a-t-il répondu. Dans le passé, il lui arrivait, selon lui, qu’elle effectue deux ou trois visites rapprochées pour ensuite ne plus donner signe de vie pendant sept ou huit ans.

L’homme n’a pas cherché non plus à reprendre contact avec sa fille adoptive. «Je m’attendais qu’en vieillissant, elle réfléchisse autrement et qu’elle revienne me voir», a-t-il confié.

«Quant à votre problème de santé en 2014 (cancer de la gorge)?», a questionné le procureur de la poursuite. «Ça ne les a pas dérangées», a-t-il dit.

Me Verville a aussi interrogé l’accusé sur la visite d’une intervenante de la DPJ (Direction de la protection de la jeunesse). Paul-Émile Therrien dit avoir informé l’intervenante que les enfants pratiquaient le nudisme, mais qu’il ne s’agissait pas d’une obligation.

Il a dit avoir été très surpris par cette visite. Après le départ de l’intervenante, une discussion d’au plus cinq minutes est survenue avec sa fille. «Elle est venue à moi, voulait s’expliquer et disait regretter. Elle confiait que ce n’est pas elle qui a contacté la DPJ et qu’il avait été impossible d’annuler la visite une fois le signalement effectué», a-t-il expliqué.

Le septuagénaire a ensuite été questionné sur le revolver que son père lui a donné peu de temps avant de mourir. «J’ai été un peu surpris. Je n’ai jamais su que mon père avait une arme. Je n’ai pas dit un mot, je n’ai posé aucune question», a-t-il souligné.

L’arme, selon lui, n’était pas en bon état, elle était rouillée et inutilisable. L’accusé a fait appel à un armurier pour la rendre inopérante, pour la bloquer, ce qui, a-t-il dit, lui a coûté environ 75 $.

Le défilé de mode

Le représentant du ministère public l’a ensuite interrogé sur le défilé de mode évoqué dans le témoignage d’Huguette Rohrbach. «Je ne savais pas qu’elle viendrait. Je ne lui ai pas parlé parce qu’elle rapporte faussement toutes sortes d’affaires», a-t-il soutenu, prétendant qu’elle craignait sa fille parce qu’elle se tenait avec des motards. «Elle avait peur des représailles», a mentionné l’accusé.

«Avez-vous peur des motards?», lui a lancé Me Verville. «Je ne me tiens pas avec des motards, a-t-il dit. Mais bien des gens louches sont venus cogner à ma porte. Dès 21 h 30, je n’ouvre plus la porte.»

Paul-Émile Therrien a maintenu, par ailleurs, qu’il n’a pas du tout parlé à Huguette Rohrbach assise à ses côtés lors de l’événement de mode. Et il est faux de prétendre, a-t-il noté, que la dame se soit rendue à son domicile. «Ma conjointe Aline m’a aussi confirmé qu’elle n’est jamais venue», a-t-il ajouté, confiant également n’avoir jamais eu connaissance d’un appel qu’aurait fait sa fille à Mme Rohrbach.

Quant aux menaces présumées que l’accusé aurait proférées à son endroit dans un salon funéraire, l’accusé est catégorique : «Elle a raconté des choses complètement fausses. Je ne sais pas pourquoi elle fait ça. Je ne me rappelle même pas l’avoir vue au salon».

Paul-Émile Therrien a affirmé n’être demeuré qu’environ 10 minutes au salon où il a discuté avec quelques personnes.

Des photos

Aux questions du procureur de la poursuite, l’accusé a indiqué qu’une seule photo était affichée, celle de sa fille les seins nus, une photo professionnelle. «C’est elle qui l’aurait fait faire à l’âge de 18 ans, de mémoire. Elle me l’a donnée en cadeau», a-t-il souligné.

Sa fille adoptive en aurait fait faire également. «Mais elle n’a jamais été les chercher», a-t-il indiqué.

Me Michel Verville lui a ensuite exhibé une série de photos, dont le juge Serge Francoeur a autorisé le dépôt en preuve. Des photos où apparait nue sa fille adoptive. L’accusé a dit reconnaître sa fille, mais il soutient ne pas en être l’auteur. «Je ne les ai pas prises, certain», a-t-il répliqué.

Le dépôt de ces photos a mis un terme au contre-interrogatoire de Paul-Émile Therrien sur qui pèsent 10 chefs d’accusation, dont agression sexuelle et inceste.

Deux autres témoins

Comme deuxième témoin en défense, Me Ronald Robichaud a fait entendre Richard Masse, un armurier et «un maniaque d’armes», a-t-il dit.

À l’automne 1993, l’accusé a fait appel à ses services pour rendre le revolver inopérant.

Me Ronald Robichaud a fait entendre deux autres témoins, mercredi.
(Photo www.lanouvelle.net)

Le témoin a examiné l’arme de près. «Il (le revolver) est vraiment inutilisable. C’est le genre de travail qu’on faisait», a confié M. Masse, précisant qu’il avait proposé une opération à Paul-Émile Therrien qui lui demandant de rendre l’arme inopérante.

L’expert estime l’âge de l’arme à environ 70 ans. «Ce n’est pas une arme qui a tiré des milliers de coups, a-t-il avancé. Il s’agit davantage d’une arme de défense, une arme qui a plus traîné que servi.»

Il a dit avoir souvenir de ce modèle peu courant de revolver et du fait qu’un travail du genre, il n’en a fait qu’à une douzaine d’occasions en 20 ans.

Un résident de Kingsey Falls, Roger Leroux, s’est ensuite amené comme troisième témoin pour la défense.

Il a connu la fille adoptive de l’accusé puisqu’elle se tenait avec sa propre fille.

À la demande de la fille adoptive, le témoin a accepté de l’héberger moyennant 40 $ par semaine et le respect des règlements.

«La première semaine s’est bien déroulée. Mais elle n’a jamais payé. Elle a commencé à découcher. Elle n’a jamais mangé à la maison, n’a jamais fait son lavage. Elle a volé des vêtements à ma fille», a-t-il exposé.

Un mois plus tard, il avait fait son deuil d’elle, a-t-il confié. Il avait placé les vêtements dans un sac à poubelle, sac récupéré par l’accusé alors accompagné de policiers. «Quand M. Therrien a quitté, je lui ai dit que je ne voulais plus le revoir ici», a conclu l’homme qui n’a ensuite plus eu aucun contact avec cette famille.

Estimant que le témoin n’apportait rien au débat, Me Verville de la poursuite a fait savoir qu’il n’avait aucune question à poser. Ce qui a mis fin à cette huitième journée du procès.

Avant que les 11 jurés ne prennent congé, Me Robichaud a indiqué qu’il ne lui restait qu’un seul témoin à interroger. C’est ce qu’il fera dès 9 h, jeudi, dans la grande salle d’audience 1.02 du palais de justice de Victoriaville.