Protocole de retour au travail : à quoi les lockoutés ont dit non

Si l’entente proposée par la direction était «difficile à avaler» pour les lockoutés d’ABI, le protocole de retour au travail semblait «inacceptable» pour plusieurs. C’est d’ailleurs ce qui explique en partie le refus à 82%, lundi soir dernier.

Quelques grandes lignes ont d’ailleurs commencé à sortir depuis le début de la semaine sur ce qui a rebuté les syndiqués à accepter ce protocole qui s’étale sur une période minimale de dix mois. «Du jamais vu», indiquait d’ailleurs L’aut’journal, un journal indépendant qui couvre l’actualité syndicale et qui qualifie le lock-out à l’ABI de «conflit historique».

Devant les nombreux commentaires d’incompréhension qui fusent de toute part depuis qu’ils ont refusé de rentrer au travail malgré les bonnes conditions salariales offertes par l’employeur, des lockoutés ont apporté certaines précisions sur le protocole de retour au travail qui leur était imposé.

«Tu n’as pas le droit au chômage; tu dois être prêt en tout temps, à te faire appeler, mais sans garantie d’heures; tu ne peux pas travailler ailleurs, tu dois attendre chez toi; tu peux travailler 12 h cette semaine, 42 la semaine prochaine, puis être 6 mois sans être appelé, au bon vouloir de l’employeur; tu peux être appelé sur n’importe quel poste en tout temps, a résumé un travailleur qui s’est exprimé sur les réseaux sociaux. Le protocole s’étire sur 10 mois minimum. Parce que toutes les clauses sont ouvertes pour l’employeur. Il peut facilement étirer ça à l’infini.»

Dans le document, dont nos collègues du Courrier Sud a obtenu copie, on apprend que le protocole qui a été rejeté prévoyait six phases de rappel dont la première aurait débuté le 8 avril. Ce sont 178 employés qui auraient d’abord été rappelés, suivi par des cohortes de 163, 127, 125, 168 et 137 dans les phases subséquentes qui s’étalaient sur un à deux mois d’intervalle.

Contrairement à un mois à un mois et demi lors de la grève de 2004, la période de transition s’échelonnait cette fois sur une durée de 10 mois et visait le «redémarrage graduel» et la «stabilisation de l’usine». Elle incluait une première période de remplacement des cadres par des salariés, une deuxième de préparation au redémarrage et une troisième de redémarrage et de stabilisation des cuves.

Avant et pendant la période de transition, l’employeur pouvait utiliser des cadres non-syndiqués, gestionnaires ou non, mais aussi des sous-traitants, pour exécuter et supporter les activités de redémarrage, de stabilisation et d’opérations normalement effectués par les salariés.

Le rappel ne s’effectuait pas non plus en respectant l’ancienneté, sauf dans le cas des techniciens et des employés d’entretien. À l’intérieur d’une phase, les salariés auraient été rappelés en fonction des besoins opérationnels. Ils pouvaient être affectés à toute tâche requise, sur tout horaire ou quart de travail.

Si un salarié était affecté à une tâche d’un indice salarial inférieur, il conservait tout de même le taux qu’il détenait au moment du déclenchement du lockout. Pour ce qui est des salariés dont la période de probation n’était pas complétée au 11 janvier 2018, lorsque le lockout a été déclenché, ils auraient dû reprendre en entier leur période de probation au moment de leur retour au travail.

L’employeur ne pouvait pas non plus garantir aux salariés rappelés un nombre de jours ou d’heures de travail par semaine et la direction pouvait utiliser, durant la période de transition, l’organisation du travail de son choix.

L’employeur pouvait également mettre fin au processus de rappel en cas de ralentissement de travail, de vandalisme, d’arrêt de travail concerté, de baisse significative de la qualité du produit, de problème technique ou de toutes conditions de marché. Ce qui pouvait avoir pour effet d’étirer le délai de 10 mois.

D’autres éléments du protocole proposé par l’employeur

Le protocole incluait également une renonciation des deux parties à toutes mesures de représailles ou de poursuites qui avaient été intentées de part et d’autre.

Dans les cinq jours suivants la ratification des conventions collectives, les salariés auraient dû retirer tous les propos ou les commentaires négatifs qu’ils avaient été écrits sur les réseaux sociaux envers l’entreprise.

Ils auraient aussi dû s’abstenir de formuler tous propos ou commentaires diffamatoires dans les médias, les sites web, blogues, réseaux sociaux ou autres.

Le port de tout vêtement, accessoire ou symbole à l’effigie du Syndicat, référant au conflit ou aux activités syndicales était strictement interdit dès le retour au travail.

Avant leur retour au travail, les salariés devaient répondre à un questionnaire médical.