«Je ne ferai pas de prison à cause de toi… »

Victime présumée d’abus sexuels par son père Paul-Émile Therrien de Warwick, sa fille, aujourd’hui âgée de 46 ans, a raconté son enfance malheureuse, les agressions et les menaces dont elle aurait été victime.

Interrogée, jeudi après-midi, par Me Michel Verville, procureur aux poursuites criminelles et pénales, la plaignante a relaté, dès le départ, que ça n’allait pas très bien à la maison. «Je n’ai pas eu une belle enfance. Mon père n’était pas fin. Il me faisait des attouchements jusqu’à aller vers d’autres choses sexuelles», a-t-elle confié.

Son père, a-t-elle poursuivi, lui flattait souvent les fesses. «C’était toujours nudiste chez nous, et après le souper, il fallait s’asseoir toujours dessus pour regarder la télé», a-t-elle raconté, estimant à plus ou moins 11 ans l’âge où les contacts sexuels auraient commencé. «Et plus tard, vers 13 ou 14 ans ont débuté les fellations.»

La fille de Paul-Émile Therrien se souvient d’un épisode qui serait survenu dans le véhicule sur la route de Saint-Albert près du casse-croûte. «Il s’était arrêté en bordure de la route pour baisser sa braguette et sortir son pénis. Ça s’est terminé par une éjaculation», a-t-elle confié.

Me Michel Verville, à droite, en discussion avec le sergent-détective François Beaudoin, l’enquêteur au dossier (Photo www.lanouvelle.net)

Elle a raconté aussi un autre événement au sous-sol de la maison familiale alors que sa belle-mère Aline Michaud (qui fait aussi face à des accusations) s’y trouvait également. «Mon père m’a demandé de me coucher sur le «tapis à cul». Il a sorti le vibrateur et a dit à Aline de me le passer jusqu’à ce que j’atteigne l’orgasme pendant qu’il regardait. Ce même soir-là, il m’a fait fumer un joint en me disant : je vais te faire connaître c’est quoi du bon pot», a souligné la femme qui devait alors avoir 15 ans environ.

Des menaces de mort?

Un bon jour, suivant les conseils d’une amie, elle informe la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) de ce qu’elle vit. La DPJ aurait sollicité une rencontre avec Paul-Émile Therrien.

«À mon retour de l’école, on s’est retrouvé dans son bureau. Il a fouillé dans son tiroir pour en sortir une arme (revolver) qu’il a placée sur ma tempe en me disant : je ne ferai pas de prison pour toi. Change ta version à la DPJ, sinon je vais te tirer», a fait savoir la plaignante qui éprouvait de la peine et de la peur.

Après cet épisode, a-t-elle dit, rien n’a changé. «Les attouchements ont continué, il a continué à faire ce qu’il faisait avec moi. C’était même pire, jusqu’au viol total», a-t-elle affirmé avant de décrire l’événement.

Son père l’aurait invité, un jour, à son retour de l’école, à descendre au sous-sol, à se dévêtir et à s’étendre sur un lit. Il aurait alors commencé par des attouchements, l’aurait embrassé, embrassé ses seins et pratiqué le sexe oral avant de «me violer totalement».

«À ma connaissance, c’était la première fois. Il m’a pénétrée jusqu’à l’éjaculation», a-t-elle indiqué.

Quand elle lui a demandé la raison de ses agissements, son père lui aurait répondu que c’était pour lui montrer «comment ça marche».

Invitée à exprimer sa réaction et comment elle se sentait, la plaignante fait mention de peine, d’incompréhension. «J’étais assez vieille pour comprendre que ce n’était pas normal. Je ne comprenais pas, mais tu n’as pas le choix avec ton père. J’y étais soumise. Je me sentais dégueulasse et triste. C’était l’incompréhension. Ton père est censé t’aimer, te protéger», a-t-elle dit.

À un moment, l’accusé a appris que sa fille s’était confiée à une dame de confiance chez qui elle gardait parfois des enfants. Son père l’aurait alors disputée et contraint d’appeler la dame pour lui faire savoir qu’elle lui avait menti.

Départ de la maison

La présumée victime a quitté le nid familial à 18 ans pour se retrouver à Victoriaville dans un logement qu’elle louait. «J’ai travaillé dans une épicerie, mais comme je n’arrivais pas financièrement, et pour ne pas retourner à la maison, j’ai travaillé comme danseuse», a-t-elle souligné.

La plaignante a aussi parlé de l’emprise exercée par son père qui, a-t-elle soutenu, prenait toutes ses paies. «Je n’avais pas le droit d’y toucher. Jusqu’à ce que je rencontre mon mari, il avait une grande emprise.»

Après son départ de la maison, Me Verville lui a demandé si elle avait gardé contact avec son père. «Je l’appelais encore et je l’ai revu. J’ai toujours honte. Malgré ce qu’il m’avait fait, je l’ai aimé quand même, en quelque part, c’est mon père. Je lui trouvais des qualités, il était travaillant, il avait réussi dans la vie. Dans le fond, il était malade», a-t-elle exprimé.

Des excuses?

Pour parler de son mariage avec l’homme qu’elle a commencé à fréquenter en 1995, la plaignante s’est retrouvée chez son père. «Je l’ai invité quand même à mon mariage», a-t-elle dit.

Mais elle se serait emportée quand son père lui aurait suggéré un mariage nudiste. «C’est venu me chercher, a-t-elle mentionné. J’ai alors voulu le confronter et lui soutirer son pardon pour ce qu’il m’a fait. Et il m’a dit qu’il s’excusait.»

Dans son cœur, elle se disait heureuse en quelque sorte, estimant que s’il s’excusait, c’est qu’il réalisait le mal qu’il avait fait.

Me Ronald Robichaud, qui représente l’accusé, contre-interrogera la plaignante, vendredi matin. (Photo www.lanouvelle.net)

«Aujourd’hui, je ne pense pas qu’il le réalise», a-t-elle fait valoir en racontant un événement qui serait survenu à la résidence familiale où elle s’était rendue pour le deuxième anniversaire de son fils.

«Nous avons couché à la maison. Mais au réveil, il s’est présenté nu. Ça m’a levé le cœur. Je n’avais pas besoin de revoir à la table le pénis avec lequel il m’a violée. Je l’ai rappelé pour lui dire qu’il n’avait jamais rien compris et que son pardon, c’était n’importe quoi», a-t-elle conclu.

Son témoignage a pris fin peu avant 15 h 30. Le juge Serge Francoeur de la Cour supérieure du Québec a ajourné le procès à 9 h, vendredi, donnant ainsi congé aux sept femmes et cinq hommes du jury.

Vendredi matin, la fille de l’accusé sera contre-interrogée par l’avocat de Paul-Émile Therrien, Me Ronald Robichaud.