«Je vais te montrer comment ça se passe dans la vraie vie…»

Au procès du Warwickois Paul-Émile Therrien, accusé de délits sexuels, sa fille adoptive, l’une des deux plaignantes, a entrepris son témoignage, mercredi matin, au palais de justice de Victoriaville.

Le procureur aux poursuites criminelles et pénales, Me Michel Verville, l’a d’abord invitée à parler de son enfance. Elle a confié ne pas avoir de bons souvenirs, notant que ses parents pratiquaient le nudisme à la maison, obligeant aussi les enfants à en faire également.

La plaignante a fait part de ses difficultés à l’école. «Ça ne se passait pas bien à la maison. Je n’avais pas de soutien. J’étais laissée à moi-même», a-t-elle confié.

Sa 6e année, elle l’a passée au pensionnat chez des religieuses à Trois-Rivières. «Une façon de se débarrasser de moi en raison de mes résultats scolaires», a expliqué la femme qui a maintenant une formation de préposée aux bénéficiaires en plus de détenir un diplôme de chef cuisinière.

Dans son témoignage, elle a soutenu que l’accusé aimait beaucoup boire et qu’entre l’âge de 12 et 15 ans, il l’emmenait dans les bars de danseuses. «Je connais tous les bars dans la région. Il allait dans les isoloirs», a-t-elle souligné.
Questionnée sur les abus dont elle aurait été victime, la plaignante a fait savoir que cela se passait en soirée alors que la mère était absente  et que l’accusé était en boisson. «On écoutait la télé, il prenait un «rhume and coke». Il m’invitait à m’asseoir sur lui en me disant : viens t’asseoir, petite puce. Je le faisais et il devenait parfois en érection presque tout de suite. Il me disait : je vais te montrer comment ça se passe dans la vraie vie. Je vais te montrer c’est quoi. Tu sauras comment faire plus tard.»

La plaignante souligne qu’il y a eu une gradation dans les gestes. «Ç’a commencé par des petits becs sur le pénis, puis des fellations et jusqu’à deux relations complètes», a-t-elle dit, estimant que ces événements pouvaient survenir environ trois fois par mois.

À une occasion aussi, Aline Michaud (qui fait aussi face à des accusations), aurait été présente. «Ils ont fait jouer un film de cul sur un écran géant. Il y avait un grand tapis blanc qu’ils utilisaient lors des échanges de couple. Ils m’ont donné en cadeau un vibrateur en me disant : on va te montrer comment ça marche, a-t-elle signalé. Il lui pratiquait un cunnilingus pendant qu’elle fumait une cigarette. Il se retournait de temps à autre pour me regarder.»

Le dernier événement, a-t-elle raconté, concerne une relation complète qui serait survenue au sous-sol de la résidence du rang 4 Est à Warwick. «Il m’a étendue sur le lit et il y a eu pénétration. Je me souviens d’avoir dit non, mais il m’a rappelé que cela se passe comme ça dans la vie. Tout s’est terminé par une éjaculation et il s’est retiré», a indiqué la plaignante qui, elle, s’est ensuite douchée pour se diriger vers sa chambre où elle s’est mise à pleurer.

«Pourquoi l’avoir fait?», l’a interrogé Me Verville. «Parce qu’il me le demandait. C’était mes parents, j’étais isolée, je n’avais pas d’amis. Ils étaient ma référence. Je n’avais personne d’autre», a-t-elle répondu.

Vers la fin, la plaignante relate qu’elle faisait régulièrement des fugues. «Je n’étais pas bien à la maison.»

La femme a confié avoir quitté à 16 ans le nid familial pour demeurer en chambre à Victoriaville.  À 17 ans, après avoir rencontré une ancienne danseuse de Trois-Rivières qui avait besoin d’une gardienne, elle s’installe à cet endroit. «J’ai gardé ses enfants pendant environ un an», a-t-elle dit.

C’est justement à la police de Trois-Rivières en 2001 qu’elle obtient une interdiction de contact avec Paul-Émile Therrien. «Je venais d’accoucher de mon fils et j’ai réalisé que ce n’était pas normal ce qui s’est passé, que je n’avais pas besoin de ça dans mon entourage.»

«Et pourquoi avoir porté plainte?», lui a demandé le procureur de la poursuite. «Dans ce milieu, on ne réalise pas, et on ne sait pas ce qui se passe chez les voisins. En vieillissant, on prend conscience que c’est anormal. Je suis ici, a-t-elle précisé, pour tourner la page. En 2001, j’ai mis un frein à ça, je travaille tous les jours pour oublier. Aujourd’hui, on ouvre la porte encore, mais ensuite je la refermerai.»

En défense, Me Ronald Robichaud poursuivra cet après-midi le contre-interrogatoire qu’il a entamé en matinée. Plus de détails ultérieurement.