Décès de Gérard Marier : un pilier de l’Église, autrement

C’est à la suite d’un AVC qu’est décédé, le 8 mars, l’abbé Gérard Marier, fondateur de la Communauté du Désert qui a pignon sur rue à Victoriaville depuis le début des années 1990.

C’est un gros morceau que perd la région avec le départ de cet homme qui a voué sa vie aux autres. «Il est parti sereinement et lucide jusqu’à la fin, je crois», confirme son amie et collaboratrice à la Communauté du Désert, Marie-Josée Roux. En effet, victime d’un AVC le 4 mars, il a poussé son dernier soupir vendredi après-midi. Il avait eu le temps, comme il le souhaitait, de voir son frère, de recevoir les derniers sacrements et de rencontrer l’évêque du diocèse, André Gazaille. Un de ses collaborateurs de la Communauté le citait en disant «Il faut que toute notre vie soit au service de l’Évangile. Gérard disait : je veux être au service jusqu’à mon service». Et c’est ce qu’il a fait puisqu’il n’a été que trois jours malade et disait encore la messe il y a quelques jours.

L’abbé Marier, comme plusieurs l’appelaient, est né le 6 janvier 1930 à Drummondville. Après ses études au Collège de Papineauville et au Grand Séminaire de Nicolet, il a été ordonné prêtre le 4 juin 1955. Il a exercé plusieurs ministères, dont celui de professeur de philosophie au Centre des études universitaires de Trois-Rivières, directeur du centre de recherche de prospective en éducation à l’UQTR. Il a aussi étudié en philosophie à Rome, où il a obtenu un doctorat.

Avec une longue feuille de route et plusieurs réalisations, il a fondé sa Communauté du Désert en 1971. «Après sa conversion le 5 août 1971 lorsqu’il s’est remis à prier dans la joie (après avoir vécu une crise de foi)», précise sa collaboratrice.

Gérard Marier a toujours fait les choses autrement. (Photo gracieuseté)

Cette Communauté est née du fait qu’il trouvait scandaleux de voir que les étudiants qu’il côtoyait à l’époque à l’université étaient nécessiteux financièrement alors que lui était plus à l’aise de ce côté. À partir de là, il en a hébergé quelques-uns, d’abord à Trois-Rivières, puis à Nicolet», explique Marie-Josée. De là est issue cette communauté qu’il voulait religieuse, tout en mélangeant hommes et femmes. «Il ne fallait pas discriminer un sexe ou l’autre. La place de la femme a toujours été importante pour lui. Quand il avait à choisir un homme ou une femme pour une lecture ou autre, il optait pour la femme afin de rétablir la justice des droits de l’un et de l’autre depuis des siècles», ajoute-t-elle. Aujourd’hui, à Victoriaville, son œuvre se poursuit par l’accueil de femmes et d’hommes à leur sortie d’une thérapie de désintoxication. Une mission péruvienne a été mise sur pied il y a quelques années et compte actuellement trois membres, dont un prêtre.

Il a également fondé, en 1987, «Prière en Église la nuit» qu’il a dirigé jusqu’à la fin. «Il était insomniaque et ne dormait pas beaucoup la nuit. Il disait, quand on se réveille la nuit, on ne perd pas de temps et on se met en prière avec des souffrants de l’Église. On ouvre les psaumes et lit celui qui tombe sous nos yeux. Il ne faut pas oublier son amour des psaumes et l’étude qu’il en a faite. C’était un spécialiste des psaumes, à mon avis, qu’il a rétablis, notamment par ce mouvement», note Marie-Josée.

Et vers la fin, celui qui n’a jamais eu peur de bousculer afin de faire bouger les choses, quitte à être marginal et marginalisé, en était venu à penser qu’il ne fallait plus centrer l’Église sur le sacerdoce (des hommes ou des femmes). Pour lui, il était important de faire une Église plus «démocratique» que «hiérarchique». «Mais il a toujours été en lien avec l’Église. Même quand il la contestait, c’était par amour pour elle. Il trouvait qu’elle n’était pas parfaite et voulait qu’elle devienne de plus en plus à l’image du monde», explique-t-elle d’un souffle.

Un homme hors du commun

L’abbé Gérard Marier a toujours marché hors des sentiers battus, tout le monde sera d’accord avec cette affirmation. Homme érudit et cultivé, il a écrit de nombreux livres (dont un sur le bonheur qu’il a terminé d’écrire et qui devrait être publié éventuellement), animé une émission hebdomadaire à Radio VM et à la Télévision communautaire des Bois-Francs, faits des pèlerinages en Europe et même parcouru 300 km sur le chemin de Compostelle à 82 ans. Son côté philosophe lui faisait prendre un malin plaisir à débattre. «Tu ne pouvais pas lui faire plus plaisir que de lui dire non. C’était pour lui le début d’une réflexion», dit Marie-Josée Roux en souriant.

Son héritage

Lorsqu’on demande à Marie-Josée Roux ce que laisse Gérard Marier derrière lui, elle indique simplement, en premier lieu, l’amour des pauvres. «Il faut que l’Église, de plus en plus, fasse appel à la richesse que sont les pauvres, se mette au service des pauvres pour accueillir la grâce et les dons de ce ministère», estime-t-elle. C’était un homme qui priait beaucoup et qui était préoccupé de voir l’indifférence religieuse de plusieurs. Ça lui faisait plus mal que l’affirmation de l’athéisme, qui venait d’un questionnement. Le doute pour lui faisait partie de la foi.

«Je dirais aussi, comme Gérard qui avait toujours l’habitude de faire ses exposés en trois points, qu’il laisse la joie en héritage spirituel. C’était un homme d’humour. Tous les jours on riait. D’autant que ces derniers enseignements portaient beaucoup sur la joie de la croix», dit-elle encore.

Et la suite

La suite est assurée, peuvent se rassurer la douzaine d’actuels résidents de l’endroit. Tout reste pareil à la Communauté du Désert. «On continue avec l’accord de l’évêque et avec le soutien de la communauté», assure Marie-Josée. Son œuvre se poursuivra malgré son départ puisqu’il avait eu la sagesse, depuis les dernières années, de se détacher de la direction.

Obsèques

L’abbé Gérard Marier sera exposé en chapelle ardente à l’église Notre-Dame-l’Assomption au 129, rue Larivière à Victoriaville le vendredi 15 mars de 14 à 22 h et le samedi 16 mars à compter de 11 h et jusqu’à 14 h, heure des funérailles qui seront présidées par Mgr André Gazaille.