ABI : les travailleurs ne plient pas

Tous les yeux étaient rivés sur l’assemblée générale des syndiqués de la section 9700 des Métallos, lundi, qui soumettait à ses membres la dernière offre patronale de l’Aluminerie de Bécancour qui couvrait les trois conventions collectives.

En tout, ce sont 829 de 926 membres qui étaient présents. Il s’agit d’une participation de 90%, soit l’assemblée la plus importante depuis le début du lockout. Ceux-ci ont rejeté l’offre dans une proportion de 82%. Les trois unités d’accréditation ont d’ailleurs voté contre.

Si plusieurs ont quitté l’air songeur et peu bavard après avoir voté, d’autres se réjouissaient que les travailleurs se tiennent debout et refusent de «plier» devant une offre imposée par la direction.

Une stratégie que certains ont qualifiée d’un «test» qu’a voulu faire passer la compagnie aux syndiqués après 14 mois de lockout. L’annonce a d’ailleurs été acclamée par la cinquantaine de personnes qui étaient restées pour l’annonce du résultat, vers 19 h.

De son côté, la partie patronale s’est dite déçue du rejet de l’offre qu’elle qualifiait de «juste et compétitive», alors qu’elle prévoyait des augmentations salariales de 2,55% au cours de la convention collective proposée d’une durée de six ans, en plus de respecter le principe de l’ancienneté : un point cher au syndicat. «La ratification de l’offre aurait mis fin au conflit de travail avec un plan de reprise des opérations», a commenté la porte-parole d’Alcoa, Anne-Catherine Couture.

Plusieurs points demeuraient tout de même en litige et a déplu au comité exécutif qui a recommandé le rejet de l’offre à ses membres. «Les organisations, les horaires de travail, la sous-traitance, des coupures de postes, des régimes de retraite et il y en a d’autres», a énuméré le président du syndicat, Clément Masse.

«C’est une offre qui ne respecte pas les travailleurs C’est une offre qui est moindre que celle qui a été mise sur la table le 21 décembre 2017. C’est une offre qui n’est pas négociée. Que l’employeur veut imposer», soutient-il.

«Après 14 mois de conflit, d’arriver avec une offre aussi ridicule, on avait un message à livrer. Ce sont les travailleurs qui devaient le livrer et je pense qu’un c’est un message très clair qu’ils ont livré. Peut-être que l’employeur, dans sa stratégie, c’était de nous épuiser financièrement, moralement. Le message qu’on livre aujourd’hui, c’est que ça n’a pas fonctionné et ça ne fonctionnera pas. C’est une entente négociée qui va faire que ce conflit va se régler.»

C’est aussi le protocole de retour au travail qui a rebuté les travailleurs, étant donné qu’on prévoyait qu’elle dure 10 mois avant que tout le monde soit rappelé… et peut-être même plus, si jamais la troisième série de cuves ne repartait pas. Ce qui ferait en sorte que 200 employés ne seraient peut-être pas rappelés.

C’est que l’employeur pouvait appliquer ce qu’il voulait au rythme qu’il voulait. «La fonderie n’est pas capable d’avaler 500 000 tonnes. Il faudrait une sixième unité de coulées (en fonction). Alcoa devra se pencher avec Rio Tinto pour savoir s’ils investissent ou s’ils sont acheteurs de Sural qui est en faillite», a confié Mario Therrien, un employé de la première heure, après la période de votation.

En comparaison, le même retour au travail avait duré environ un mois à un mois et demi après la grève de 2004. À ce moment-là, il avait été possible de faire un fonds pour les derniers rappelés. Ce qui serait impossible pour une aussi longue période, a fait valoir le président du syndicat Clément Masse. Puisque seulement 100 personnes seraient rappelées au départ et la constitution ne permet pas de continuer de verser des sommes une fois que le conflit est réglé.

Pour la suite des choses, le Syndicat dit espérer que l’employeur saisisse le message et revienne à la table pour négocier de bonne foi. D’autres représentations seront faites auprès du premier ministre François Legault pour lui demander d’intervenir en ce qui concerne la clause de «force majeure» dans le contrat d’électricité.

On ne s’inquiète pas non plus pour l’avenir de l’usine alors que le président Roy Harvey a dit il y a quelques semaines que l’usine est performante et qu’il souhaite qu’elle redémarre. «Les silos sont pleins d’alumine. Les cadres sont formés. Il rentre des sous-traitants pour réparer des équipements. On sait qu’ils veulent démarrer, continue Mario Therrien. C’est une usine qui est rentable et il y a de l’argent à faire avec ça. On n’a aucune crainte.»