Vicky Côté pleure la fermeture du Caméléon

Avec grande tristesse, Vicky Côté tourne la page d’un grand chapitre de sa vie. Une aventure de près de 20 ans prend fin avec la fermeture prochaine du Pub Caméléon tel qu’on le connaît aujourd’hui.

Le restaurant District C fermera le 3 mars, suivi du bar six jours plus tard, le 9 mars.

L’âme, «le cœur» du Caméléon, Vicky Côté, qui a vendu la majorité de ses parts à son ami Sam Carbonneau il y a près de deux ans, a accepté de se confier en toute franchise, à livrer ses états d’âme avec beaucoup d’émotions.

D’entrée de jeu, la femme d’affaires pointe les travaux de réfection du centre-ville comme point de départ des déboires de l’établissement. «Avant, ça allait quand même bien, même si ce n’était pas toujours facile. Mais avec les travaux, c’est là que tout a chaviré», dit-elle dans un entretien téléphonique.

Vicky Côté déplore la façon dont le chantier a été orchestré. «Ils ont fait un immense trou devant chez nous pendant des mois. Ça nous a tués», note-t-elle, sans compter un «loader» placé devant le commerce ainsi qu’une toilette chimique devant le restaurant.

Vicky Côté

«Le soir, ils rangeaient leurs trucs directement devant chez nous. Et puis, il y a aussi le stationnement arrière qui était bloqué par des véhicules», ajoute-t-elle tout en faisant remarquer la longue durée du chantier. «Ç’a commencé chez nous en mai pour prendre fin en octobre. Devant le Carré 150, ils ont fait la rue en trois semaines», rappelle-t-elle.

Vicky Côté n’a pas digéré, par ailleurs, les propos du maire André Bellavance à la suite des travaux. «Il a soutenu qu’il n’y avait pas de lien direct entre les travaux et une baisse chez les commerçants. En tout cas, il ne calcule pas de la même manière que moi», fait-elle valoir.

«Des trous, de la poussière, du bruit à longueur de journée, il n’y avait pas de plaisir à y avoir chez nous. Il n’a pas été facile de passer à travers ce moment, souligne-t-elle. À partir de là, nous avons connu toute une descente. Nous avons enregistré une année financière catastrophique.»

Pour elle, il s’agit là en quelque sorte du début de la fin. Des clients ont déserté l’établissement et n’y sont jamais revenus, créant vraisemblablement une nouvelle habitude ailleurs, pense Vicky Côté.

Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir tout tenté. «On a voulu profiter du moment pour revamper le Caméléon en investissant 50 000 $ dans des rénovations et en proposant un nouveau menu», fait-elle remarquer.

«Je me suis mise au monde»

Le Caméléon ne connaît pas le dénouement souhaité, reste que l’aventure, débutée en août 1999, constitue un grand pan de la vie de Vicky Côté. «Je me suis mise un peu au monde avec ça», dit-elle, en larmes, ajoutant qu’elle a eu la chance de connaître plusieurs gens d’affaires et le privilège d’obtenir un grand respect de leur part. «Ils ont constaté que j’ai travaillé fort. J’ai tellement aimé ça, tellement aimé mon métier», confie-t-elle, très émue.

Les 15 premières années d’existence du Caméléon, Vicky n’a jamais compté ses heures. «Il n’y a pas une journée où ça ne me tentait pas. J’ai toujours aimé ce que je faisais. Cela m’a apporté de la reconnaissance, j’ai connu tellement de monde, j’ai rencontré plein de gens intéressants», souligne celle qui a mérité certains honneurs, comme ceux de la jeune entrepreneure de l’année et, en 2015, de la personnalité du monde des affaires.

Vicky Côté n’oubliera jamais certaines paroles, certains mots de gens d’affaires qui demeureront gravés dans son cœur. Comme ceux d’un homme d’affaires qui lui faisait savoir qu’elle était l’une des personnes les plus intègres qu’il lui a été donné de rencontrer.

La difficile décision de fermer s’explique aussi par la difficulté de recruter de la main-d’œuvre. «C’est très difficile et ça l’est d’autant lorsque la stabilité est moindre», observe-t-elle.

Le Caméléon va fermer pour embrasser éventuellement une nouvelle vocation. «Il est trop tôt pour en parler. J’ai des pourparlers, mais tout n’est pas finalisé», confie Vicky Côté.

Chose certaine, elle n’en fera pas partie. «J’ai donné tout ce que j’avais à donner. Je ne me sens plus dans le coup. Ce feu, cette ardeur ne m’anime plus, exprime-t-elle. Je n’ai plus cette volonté à vouloir me réinvestir corps et âme.

À la tête d’une compagnie de gestion, Vicky Côté, malgré la tristesse, dit partir la tête haute. «Ça m’a tellement apporté. C’est un grand deuil, mais il s’agit d’une décision d’affaires. Mais tous les employés sont payés, tout comme les fournisseurs. La seule personne qui perd de l’argent, c’est moi», conclut-elle.