«Tes enfants sont mal élevés!»

Les troubles du spectre de l’autisme constituent souvent un handicap invisible. Les jugements des étrangers, de la famille et du milieu scolaire deviennent le lot quotidien des parents dont les enfants n’ont pas toujours obtenu de diagnostic ou ne l’on tout simplement pas d’inscrit sur le visage. Il faudra toutefois devenir plus sensible à ce sujet, puisque le nombre d’élèves québécois qui vivent avec un de ces troubles a augmenté de 628% entre 2002 et 2016.

Ces troubles sont-ils d’origine génétique? Environnementale? Les multiples études à ce sujet n’aboutissent pas encore à un consensus. Leur classification elle-même change au fil des années. Depuis la parution du DSM-5, la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, en 2013, les troubles neurodéveloppementaux comme les troubles envahissants du développement (TED), les syndromes d’Asperger et de Rett se voient regroupés dans la catégorie des troubles du spectre de l’autisme (TSA). Karine Fournier, coordonnatrice d’Autisme Centre-du-Québec et mère de deux garçons ayant un TSA, explique que sur le nouveau continuum, une personne doit présenter deux caractéristiques pour être diagnostiquée, soit montrer des faiblesses en matière de communication et d’interaction sociale, ainsi que d’afficher des centres d’intérêt restreints.

Camille Grenier, mère de cinq enfants dont deux ont un TSA, Nathalie Laroche, adjointe administrative, et Karine Fournier, coordonnatrice d’Autisme Centre-du-Québec. (Photo lanouvelle.net)

«Ils traitent et perçoivent les informations provenant de leur environnement de manière plus forte ou moins forte. Une personne TSA peut se faire mal sans s’en rendre compte ou, a contrario, très mal réagir à la texture de ses vêtements», exemplifie Mme Fournier. L’interprétation des actes de langage non verbal ou indirect est aussi problématique. «Ils prennent souvent tout au pied de la lettre», synthétise la coordonnatrice. Lorsqu’on parle d’intérêts spécifiques, on inclut les comportements répétitifs. «Ces personnes sont souvent attirées vers un domaine particulier, comme les marques de voitures ou les dinosaures, par exemple», expose-t-elle.

Camille Grenier, mère de cinq garçons dont un a un TSA et un autre est actuellement en évaluation, raconte comment l’un d’eux a appris à parler, parallèlement à sa grande passion pour le film Histoire de jouets. «Il me parlait en séquences de films. Quand il était heureux, c’était « vers l’infini et plus loin encore! »»

Ces deux symptômes représentent un continuum qui varie de léger à sévère, faisant ainsi fluctuer le besoin de soutien en trois niveaux, le dernier étant très important. Le handicap lui-même peut être le quotidien d’une personne fonctionnelle ou d’une autre qui ne deviendra jamais autonome. «Il y a trois types différents dans les livres, mais en réalité, il y en a autant que de sortes de fleurs», image Mme Grenier.

Idées reçues

Les personnes ayant un TSA requiert du support, surtout lors de l’enfance. Les parents se transforment ainsi en véritables aidants naturels. Ils demeurent les meilleurs pour le faire au quotidien, puisqu’ils connaissent les particularités de leurs petits. Aussi, les parents tiennent à bout de bras une routine rassurante et adaptée, ils prévoient les activités familiales en fonction de besoins spécifiques et préparent leur enfant, au moment opportun, aux événements à venir. «Je peux aviser un de mes garçons une semaine à l’avance, tandis que je dois le faire à la dernière minute avec l’autre, pour éviter de créer de l’anxiété», dit Mme Fournier au sujet de l’ajustement des parents à leurs enfants.

Parmi les préjugés qui ont la vie dure, l’idée que les autistes vivent dans une bulle semble erronée pour Camille Grenier. «Moi, mes enfants n’ont aucune bulle. Certains enfants restent dans leur coin, mais à l’autre bout du spectre, il y en a, comme mes garçons, qui n’ont ni peur ni notion du danger, alors il faut toujours demeurer vigilant», décrit-elle.

De fait, si plusieurs ne parlent pas, d’autres, qualifiés de haut niveau de fonctionnalité, comme dans le cas des garçons de Mme Grenier, s’expriment très bien et fréquentent des classes régulières à l’école. Il n’en demeure pas moins qu’ils nécessitent un encadrement particulier, dans toutes les sphères de leur vie. «Ils sont sur le bord d’être fonctionnels dans la société, mais ça crée un haut niveau de stress. Cette catégorie vit davantage de dépression et on y dénombre le plus important taux de suicide. Ils sont conscients du rejet qu’ils vivent, entre autres», rapporte-t-elle.

Le temps des Fêtes, selon les deux femmes, représente un des pires moments de l’année, car tous les bouleversements conduisent les enfants vers une surcharge émotionnelle et des comportements turbulents. Et puisque leur handicap est invisible, les conseils ménagers et les commentaires fusent de toute part. «Il n’est pas rare de se faire dire qu’on n’a pas élevé nos enfants ou de se faire demander ce qu’on a fait pour que nos enfants soient comme ça», de dire Mme Grenier.

Si la réussite scolaire ne constitue pas une problématique pour certains, lorsqu’ils se retrouvent bardés de diplômes et que leur potentiel de productivité devient immense pour une entreprise, leurs réponses atypiques en entrevue, leur comportement étrange et l’insensibilité des entreprises à cette réalité font en sorte que nombre de jeunes adultes ayant un TSA poireautent à la maison. Le défi sera donc d’accueillir plus ouvertement ces personnes et de leur proposer un accompagnement postscolaire. «Présentement, le gouvernement donne des services jusqu’à 21 ans. Mais avec 628% d’augmentation, un tsunami s’en vient. Au Centre-du-Québec, nous n’avons pas de logement adapté pour eux. Il va falloir qu’on s’interroge sur leur avenir», prévoit la coordonnatrice.

Autisme Centre-du-Québec

L’organisme situé à Victoriaville offre des activités qui deviennent des moments de répit pour les familles. Camille Grenier constate que ses garçons y agissent plus librement, sans peur de ne pas respecter les codes de la «normalité». On y propose aussi de l’accompagnement lors de rencontres déterminantes dans le parcours de personnes TSA.

Autisme Centre-du-Québec n’a que deux employés, mais sert un calendrier riche en événements. D’ailleurs, une conférence de la professeure Catherine Des Rivières-Pigeon, qui se déroulera le 9 novembre au Cégep de Victoriaville, brossera un portrait scientifique de la réalité des parents d’enfants TSA. Le calendrier complet se retrouve à l’adresse https://bit.ly/2AcS1ZI

L’autisme au Québec en chiffres

1,4%

La prévalence de l’autisme

1 sur 64

La prévalence du TSA chez les 5 à 17 ans

2X

Entre 2005 et 2011, le nombre d’élèves autistes scolarisés dans le secteur public a doublé