Des noces d’argent pour un duo littéraire

L’année 2018 marque le 25e anniversaire (les noces d’argent) de la collaboration entre l’auteur jeunesse victoriavillois Alain M. Bergeron et l’illustrateur de Saint-Christophe-d’Arthabaska (qui est aussi auteur de BD), Samuel Parent (Sampar).

Ainsi, 25 ans et 150 livres plus tard, le duo est toujours aussi solide, sinon plus solide qu’au début de leur relation… littéraire. Un grand respect unit les deux comparses. Un ne manque jamais de faire retomber leur succès sur l’autre et vice-versa. Parce que le duo est connu et reconnu dans le secteur de la littérature jeunesse à travers le monde. En effet, ils ont à leur actif ensemble (parce qu’ils ont aussi une production individuelle), la vente de plus de 1.5 million de livres. Un véritable succès qui n’est toutefois pas arrivé du jour au lendemain ou sans effort.

Alain rappelle que c’est lors d’un repas pris au Pizza Hut de Victoriaville, à l’automne 1993, qu’il a découvert le travail de Samuel qui avait réalisé des items promotionnels pour le restaurant. Journaliste à l’époque à La Nouvelle Union, Alain avait voulu faire une entrevue avec le jeune illustrateur rempli de talent. «C’est là que j’ai appris qu’il faisait de la BD en plus. Alors vers la fin de la rencontre, je lui ai demandé si je pouvais lui envoyer des choses à illustrer», se souvient celui qui, à cette époque, tentait de faire son nom dans la littérature jeunesse. C’est donc aussi simplement que ça qu’est née leur collaboration. «Quand j’ai rencontré Alain, je venais de passer des mois à essayer des choses (comme de réaliser des caricatures lors d’événements). Je n’ai jamais hésité à embarquer», souligne Samuel.

Leur premier projet commun, qui n’a jamais été publié, s’intitulait «Le petit Roy». «C’était une BD d’un père de famille (inspiré d’un vrai papa vu au centre-ville de Victoriaville). Une planche, un gag», rappellent-ils. Alain s’occupait de la blague et Samuel du dessin. «Nous y allions à tâtons, n’ayant aucune technique à cette époque», note Samuel. «Mais déjà, il savait exactement ce que je voyais dans ma tête», se surprend encore Alain.

Il aura fallu plusieurs essais et beaucoup de patience avant de voir leur travail publié pour la première fois. «Nous en avons eu des refus», indique Alain. C’est davantage lui qui faisait les démarches et tentait autre chose lorsqu’on leur disait non. «Il y croyait vraiment et de temps en temps, on avait un petit espoir qui le faisait continuer», apprécie Samuel.

C’est alors que le duo a fait son entrée au Journal de Montréal avec «La vie secrète du père Noël» : une trentaine de parutions (au début du journal souvent), chaque jour de décembre, comme un calendrier de l’avent. «On avait 25 $ par parution, mais ç’a été une victoire. On voyait ça comme une grande chance que d’avoir 2.5 millions de lecteurs même si c’était beaucoup de travail (surtout pour Samuel qui faisait alors tous ses dessins à l’encre)», confient-ils. Les suites n’ont pas été ce qu’ils espéraient, mais toutefois ont donné de l’énergie pour continuer d’aller de l’avant.

Est ensuite arrivée leur première publication dans une maison d’édition, chez Soulières en 1998. Il s’agissait des chroniques du père Noël du Journal de Montréal, mais réunies dans un petit album. «Ils en ont vendu environ 1500», raconte Alain.

Puis le duo a continué de travailler à différents projets, dont Kalamazoo (qui est en fait l’ancêtre des «Savais-tu?»), des BD publiées dans la revue Safarir. C’est d’ailleurs en 2001 que leur meilleur vendeur, le «Savais-tu?», a été publié pour la première fois aux Éditions Michel Quintin. Un travail en trio (avec Michel Quintin qui s’occupait, et il le fait encore, de la partie éducative) qui a donné jusqu’à maintenant 70 différents livres, une collection qui permet aux jeunes lecteurs de rire et de s’instruire en même temps. Dans le monde, plus de 800 000 copies ont été vendues dans différentes langues.

Pour cette série, Alain et Samuel ont maintenant des techniques de travail qui font que l’écriture et l’illustration sont beaucoup plus efficaces qu’au départ. «On sait ce qui ne passera pas même si c’est drôle», disent-ils. Parce qu’au-delà du gag, il faut que le dessin et la blague soient réalistes pour conserver le côté informatif du travail. Et si au départ, le but était de rendre des «bibittes» mal-aimées plus sympathiques, aujourd’hui on veut simplement faire connaître des animaux qui le sont moins ainsi que leurs caractéristiques.

C’est également cette série qui est la plus connue du duo. En effet, aujourd’hui, tous les jeunes dans la vingtaine, et les plus jeunes, connaissent les «Savais-tu?» pour en avoir lu un ou plusieurs. «C’est aussi une des publications dont nous sommes les plus fiers. On s’est formés avec ce concept», rappellent-ils.

En 2001, lors de la première séance de signatures pour les «Savais-tu?», au Salon du livre de Montréal. Le duo est en compagnie (au centre) de Michel Quintin. (Photo gracieuseté)

Au fil du temps, ils ont amorcé des séries dont certaines ont été abandonnées. Parce qu’après quelques années, il leur a fallu épurer et équilibrer leur production littéraire afin d’avoir une vie en dehors du travail (ce qu’ils n’avaient plus à un certain moment pour répondre à la demande des maisons d’édition). Aujourd’hui cet équilibre semble atteint, même si les heures de travail sont encore nombreuses. Par exemple, l’agenda d’Alain M. Bergeron est rempli pour les deux prochaines années de rencontres de jeunes dans les écoles et de différentes activités littéraires. Pour Samuel, ce genre de sorties sont désormais plus qu’occasionnelles puisqu’elles viennent perturber son horaire de travail pour plusieurs jours (il crée particulièrement la nuit).

Les occasions de les voir ensemble sont donc désormais plus rares, mais toujours appréciées. Victoriaville demeure le chouchou des deux artistes puisqu’ils se font encore un devoir et une joie de rencontrer, une fois par année lors des Journées de la Culture, les élèves de troisième et quatrième années afin de leur offrir une animation et, surtout, un livre dédicacé à chacun.

Des projets plein la tête

Samuel et Alain n’ont pas l’intention de s’asseoir sur leur notoriété littéraire. En effet, ils ont encore des projets plein la tête, communs et individuels. Parce que même s’ils ont plusieurs publications où ils travaillent en duo (ou même en trio pour les «Savais-tu?»), ils ont leurs projets chacun de leur côté.

Les deux sont heureux de leur travail qui leur permet d’apporter de la joie et de faire plaisir aux jeunes. Il n’y a qu’à voir les longues files de jeunes qui, lors de différents salons du livre (dont celui de Montréal), attendent patiemment pour rencontrer les deux passionnés.

Lorsqu’on leur parle de leur collaboration qui est devenue une amitié, on sent toujours l’admiration respective du travail de l’un pour l’autre de même qu’une complicité que le temps et les épreuves ont su bâtir. «On s’amuse et ensuite le plaisir est partagé», apprécient-ils encore.

Qui aurait cru, il y a 25 ans, qu’un souper chez Pizza Hut allait mener deux étrangers dans les hautes sphères de la littérature jeunesse? Beaucoup d’efforts, un chemin parsemé d’embûches, mais toujours autant de joie à écrire et dessiner pour les enfants.