Branchements non autorisés : la Paroisse veut interjeter appel

Une décision unanime, mardi soir. Le conseil municipal de la Municipalité de la Paroisse de Plessisville a résolu d’interjeter appel du jugement de la Cour supérieure au sujet des branchements non autorisés au réseau d’eaux usées de la Ville.

Ce matin (jeudi), la Paroisse procède au dépôt de documents à la Cour d’appel à Québec. «Le Tribunal devrait décider assez rapidement si l’appel est retenu. Si tel est le cas, cela viendrait suspendre l’application du jugement», a indiqué le maire Alain Dubois, jeudi matin, lors d’un entretien téléphonique alors qu’il était justement en route vers la Vieille Capitale.

Dans son jugement du 30 juillet, le juge Clément Samson de la Cour supérieure du Québec ordonne à la Paroisse de cesser et/ou de s’abstenir de permettre ou d’autoriser tout branchement sur le réseau d’égout qui a pour effet immédiat de permettre à un immeuble d’être raccordé au réseau de la Ville jusqu’au jugement à intervenir sur la demande en injonction permanente, à l’exception de toute résidence située dans les secteurs précisés.

Un branchement en litige chez Construction Y.G.C., intersection Saint-Louis et des Sucreries. (Photo www.lanouvelle.net)

Le Tribunal offre aussi à la Paroisse deux choix : premièrement, procéder au débranchement des raccords de Construction Y.G.C. et de centres funéraires Grégoire et Desrochers.

Ou, deuxièmement, s’engager, moyennant l’adoption d’une résolution du conseil municipal de la Paroisse, à réaliser des mesures compensatoires pour contrer l’ajout des débits d’eaux usées rejetées dans le réseau d’égout sanitaire en raison de l’opération des commerces mis en cause.

Autre branchement en litige pour raccorder le centre funéraire. (www.lanouvelle.net)

La compétence

L’entente intermunicipale de 1993 entre la Ville et la Paroisse se trouve au cœur du litige, en conviennent les élus de la Paroisse.

Alors que la Ville soutient que la Paroisse lui a délégué sa compétence en matière d’assainissement des eaux usées, le conseil de la Paroisse réplique plutôt que cette délégation de compétence porte seulement sur une partie du réseau que les deux entités ont décidé de déclarer intermunicipale. Chacune d’elles a préservé sa compétence sur la partie de son réseau d’égout n’ayant pas été déclarée comme telle.

La Paroisse soutient que les deux commerces mis en cause sont raccordés à la partie du réseau relevant de sa compétence. «Qui plus est, ils sont situés dans les secteurs exemptés par le jugement, le réel problème pour la Ville étant qu’ils sont des commerces plutôt que des résidences et qu’ils sont installés dans la Municipalité (Paroisse) plutôt que dans la Ville», précise la Paroisse dans un communiqué.

Dépassement des débits autorisés

En réponse à la Ville qui lui reproche de ne pas avoir pris de mesures pour régler le dépassement des débits autorisés, ce qui cause des débordements d’eaux usées dans l’environnement, la Paroisse fait remarquer que l’entente de 1993 prévoyait un dépassement, et même un coût supérieur lorsque le débit était atteint. «La Municipalité (Paroisse) a toujours payé en conséquence», fait-elle remarquer.

La Paroisse va plus loin en affirmant que le dépassement du débit réservé n’a aucun impact sur la capacité du système de traitement des eaux usées de la Ville. Elle appuie ses prétentions sur un rapport préparé par l’ingénieur-conseil de la Ville à l’intention du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre le changement climatique. Rapport qui, selon la Paroisse, révèle que le système est conçu pour traiter 9000 mètres cubes d’eaux usées par jour, alors que présentement, le système traite à peine 7700 mètres cubes par jour des eaux usées provenant de la Ville et de la Paroisse.

Pour le conseil municipal de la Paroisse, si la Ville de Plessisville n’atteint pas son débit réservé alors que la Paroisse le dépasse, cela s’explique par le déclin démographique de la Ville ces dernières années tandis que la Paroisse enregistre une croissance.

Il est faux, par ailleurs, selon la Paroisse, d’affirmer que rien n’a été fait pour régler les dépassements de débit. «Au contraire, la Paroisse a déjà pris des mesures compensatoires, notamment pour séparer le réseau d’égout du réseau pluvial», précise-t-elle.

La Paroisse rappelle aussi avoir participé financièrement aux mesures compensatoires effectuées par la Ville qui ont permis de réduire le débit d’eaux usées de 1000 mètres cubes par jour, ce qui compense largement, de l’aveu même de l’ingénieur-conseil de la Ville, le débit prévu de 30 mètres cubes par jour provenant des rejets des deux nouveaux immeubles commerciaux.

La Paroisse est d’avis, par ailleurs, que la Ville sollicite son autorisation avant de permettre des branchements, non pas pour des raisons de contrôles de débit, mais parce qu’elle souhaite lui vendre les débits qu’elle n’arrivait pas à consommer, à un prix devant être négocié. Ce que la Paroisse a refusé, considérant l’application de l’entente actuelle.

Problème politique, et non environnemental

Questionné sur le litige avec la Ville, le maire Alain Dubois soutient qu’il s’agit d’une joute politique. «C’est un problème vieux de 20, 25 ans. Nous ne sommes pas les seuls à vivre pareille situation, a indiqué le maire Dubois. Les grands centres souhaitent prendre de l’expansion en prenant des décisions plutôt que par des partenariats sur des services.»

Mais une telle approche, selon lui, est révolue. «La volonté d’une centralisation et de vouloir tout contrôler, c’est fini, a-t-il exprimé. On ne peut empêcher les plus petites municipalités de se développer. C’est une complémentarité.»

Pour la Paroisse, il n’est pas exact de laisser entendre que la Ville, par deux fois, a eu gain de cause contre elle devant les tribunaux. «Dans les jugements rendus, soutient la Paroisse, la Ville et la Paroisse ont toutes obtenu gain de cause sur certains points défendus.«

De réduire le litige à un enjeu uniquement environnemental «masque la nature intrinsèquement politique du conflit larvé», estime la Paroisse qui croit que les agissements de la Ville «dénotent une volonté de voir les projets s’établir sur son territoire plutôt que sur celui de la Municipalité (Paroisse)».

Le recours judiciaire par la Ville, avance aussi la Paroisse, se veut un moyen de pression dans la négociation pour la signature d’une nouvelle entente et un moyen possible pour forcer une fusion municipale.

«La Ville sait pertinemment bien que si l’injonction est émise et que les deux bâtiments sont débranchés, les deux mises en cause poursuivraient en dommages et intérêts la Municipalité (Paroisse) qui a octroyé les permis, ce qui entraînerait d’autres litiges qui ne feront qu’essouffler financièrement la Municipalité. C’est bel et bien le moyen déployé par la Ville pour forcer une fusion ou du moins dicter à la Municipalité une nouvelle entente contraire à ses intérêts», explique-t-elle.

La Paroisse déplore aussi que la Ville ait étendu l’injonction aux deux commerces en cause alors qu’ils ne peuvent, selon elle, être tenus responsables du présent litige. Elle entend prendre toutes les mesures nécessaires pour leur garantir les services pour lesquels elle s’est engagée.

Enfin, le conseil municipal de la Paroisse dit constater une confusion à la Ville entre ses propos et ses actions.

«La transparence ne consiste pas à inonder les citoyens d’informations, mais bien de leur donner la vraie. Il y a une nuance entre faire de la politique et établir des politiques claires sur lesquelles nous pouvons baser le développement. À quand une entente négociée?», se demande le maire Alain Dubois.

Ce dernier demeure convaincu qu’une entente surviendra éventuellement. «J’en suis certain, a-t-il dit. La question d’aqueduc et d’égout, c’est parmi les dossiers les plus simples à régler. On fait une évaluation des coûts, on établit les volumes. En même temps qu’il s’agit d’une question simple à régler, c’est celle qui a le plus d’effet sur le développement.»