«William sera toujours dans nos pensées» – Martin Garneau

Le 4 juillet, William Garneau aurait eu 18 ans. Le jeune homme n’a pas pu célébrer cet anniversaire symbolique. Il a mis fin à ses jours le 4 octobre dernier.

Martin Garneau, propriétaire du restaurant Le Luxor et sommelier bien connu dans la région, a perdu son benjamin il y a neuf mois. Le temps faisant son œuvre, il s’ouvre progressivement sur ce douloureux épisode. En partageant son histoire, il souhaite sensibiliser les gens à l’importance de la prévention au suicide.

«Ma femme et moi avons cinq enfants, témoigne M. Garneau. Nous nous sommes toujours dit que notre travail était de les conduire à la majorité en leur offrant la liberté et l’expérience nécessaires pour se débrouiller dans la vie. Nous avons réussi avec les quatre premiers. De savoir qu’on n’a pas pu se rendre jusqu’à là avec William, ça fait quelque chose.»

William incarnait «le clown» au sein de sa famille. Heureux, souriant, aucun problème apparent dans sa vie. Il travaillait au restaurant familial, faisait du théâtre, étudiait en administration au Cégep, avait une copine, des amis, une voiture et une famille tissée serrée. D’ailleurs, le dimanche précédant sa mort, alors qu’il prend part à un repas avec sa fratrie, rien ne laisse présager que ce sera le dernier. En fait, lorsqu’on parle de suicide, il n’y a pas vraiment de profil type.

William Garneau s’en est allé à l’âge de 17 ans.

Idéaliste

Le départ du jeune Garneau a pris tout le monde par surprise. «Dans une lettre qu’il a écrite, on comprend qu’il aurait voulu changer le monde. Il était incapable de vivre dans la société d’aujourd’hui. La politique et les guerres le touchaient. C’était un garçon très intelligent, ce qui a pu avoir une certaine influence», pense son père. William possédait beaucoup de connaissances, notamment en histoire. Il s’interrogeait sur le fonctionnement du monde des affaires, la corruption et nombre d’autres problèmes de société.

L’impensable

Martin Garneau évoque un tsunami pour imager ce qu’il a ressenti en apprenant le suicide de son fils. «On n’a pas vu venir ça, ni ses amis d’ailleurs. Il a parlé à un camarade la veille au soir. Il désirait le voir, mais les deux ont convenu de se rencontrer à l’école le lendemain. Nous, nous étions au chalet», se rappelle-t-il. L’onde de choc a vite ébranlé une grande partie de la ville de Victoriaville. «À ce moment, je n’ai pu répondre à tous les témoignages qui nous ont été livrés.»

Encore aujourd’hui, le père de famille se demande s’il pouvait lui arriver quelque chose de pire. «Tu frappes un mur, dit-il. C’est une bombe. Au début, on ressent une grande colère. J’ai même frappé sa voiture. Puis viennent les autres étapes du deuil.» Jamais de sa vie Martin Garneau n’avait pensé consulter un psychologue. Mais il  a dû compter sur les services du Centre de prévention suicide. «Ils nous ont apporté de l’aide, car ils sont aussi là pour appuyer les gens à la suite d’un tel événement. On ne passe pas à travers ça tout seul.» Des intervenants ont aussi été déployés afin de soutenir les employés du Luxor.

Apprendre à vivre avec

Le départ de William a créé un grand vide chez les Garneau, où le soutien de tout un chacun compte. «On ne s’habitue pas à ça, mais on va apprendre à vivre avec. On dit que le deuil d’un enfant décédé par suicide prend au minimum cinq ans, mais on n’oublie pas. Il manque quelqu’un à Noël, au jour de l’An et lors des anniversaires. Ce sont des journées plus difficiles.»

Des réponses claires, les proches de William n’en auront jamais. «Ça ne sert à rien de tenter d’y répondre. Ce qui est fait est fait. Ce n’est pas la faute de personne. Il avait le cancer de l’âme», image-t-il. Aujourd’hui, la mémoire reste. «C’est 17 ans de souvenirs, comme un album photo. À la naissance, on ne sait jamais combien de temps ça va durer. Pour nous, ça aura duré 17 ans.»

Nourrir des projets

L’homme d’affaires sait qu’un des signes de la dépression est de ne plus caresser de projets. «C’est pourquoi on a repris notre travail rapidement. Au mois d’octobre, on inaugurait notre bistrot. Par la suite, ça s’est calmé, mais on a ressorti d’autres projets. L’idée de s’impliquer dans notre communauté nous donne l’erre d’aller pour continuer.» Il constate porter des responsabilités familiales et sociales qui le poussent vers l’avant. «On a le choix d’arrêter, mais ce n’est pas celui que nous avons fait.»

Pas une semaine ne passe depuis sans que quelqu’un ne révèle à Martin Garneau la perte d’un proche par suicide. Les premières fois, il admet avoir trouvé ça difficile. Or, aujourd’hui, il croit que ces partages d’expériences permettent à tout un chacun d’alléger leur fardeau.

«William sera toujours dans nos pensées», conclut-il.