Il a fait vivre l’enfer à ses voisins

Un Victoriavillois François Thibeau a été condamné à verser plus de 50 000 $ à ses voisins pour leur avoir fait vivre, pendant trois ans, un véritable calvaire avec ses nombreuses et bruyantes fêtes dans un quartier pourtant paisible.

Initialement, c’est François Thibeau qui a entrepris un recours judiciaire, réclamant 16 000 $ en dommages à ses voisins, prétextant qu’ils avaient volontairement nui et brimé sa qualité de vie en le harcelant psychologiquement, en l’intimidant et en perturbant sa quiétude par le dépôt injustifié, selon lui, de plaintes aux autorités policières au moindre soubresaut.

Mais le juge Alain Trudel de la Cour du Québec n’est pas de cet avis. «Le mépris des règles les plus élémentaires de civisme et de bon voisinage démontré par François Thibeau donne un «effet boomerang» à la judiciarisation du litige qui se retourne maintenant contre lui», indique le magistrat dans sa décision du 23 avril.

Le contexte

François Thibeau, peut-on lire dans la décision, s’est fait construire une résidence en 2008 sur la rue Montcalm, «une rue paisible dans un quartier résidentiel prisé par les jeunes familles et où règnent généralement la quiétude et le respect entre les voisins».

Jusqu’à la saison estivale 2012, la cohabitation entre les résidents est sans histoire. Par la suite, les choses se corsent.

François Thibeau et sa conjointe, adeptes d’un mode de vie festif, ont une vie sociale bien remplie, multipliant les rencontres entre amis et en famille, des rencontres célébrées avec intensité.

Entre 2012 et 2015, Thibeau a tenu plus d’une cinquantaine de rassemblements, de fêtes d’amis et regroupant parfois jusqu’à une trentaine de personnes.

Des rassemblements, note-t-on, où l’alcool coule à flot et qui s’accompagnent de musique forte, de chants, de cris et de hurlements «parfois festifs, parfois agressifs», de feux d’artifice, de bruit, de grondement de moteur et de crissement de pneus jusqu’aux petites heures du matin.

Thibeau et ses invités investissent même la voie publique pour danser, boire et lancer au voisinage, particulièrement aux voisins, railleries et insultes sans aucune retenue.

Les plaignants ont toléré ces écarts pendant un certain temps, mais, signale le juge Trudel, «la fréquence soutenue et l’intensité grandissante des événements les amènent à différentes occasions à souligner à François Thibeau leur inconfort, en vain».

Ce dernier fait la sourde oreille aux avertissements de ses voisins. Le Victoriavillois a même fait preuve d’arrogance envers une policière qui intervenait en affirmant que les constats d’infraction ne le dérangeaient pas du tout et qu’elle pouvait lui en remettre pour un million de dollars si elle le croyait nécessaire.

Dans son analyse de la preuve, le magistrat a jugé non fondée la réclamation de François Thibeau envers les voisins, estimant «qu’elle n’est soutenue par aucune preuve qui vaille».

Le Tribunal a qualifié de «bancales et peu crédibles» les explications de Thibeau, des explications qui soulèvent un sérieux questionnement sur ses réelles motivations à judiciariser le litige.

Les voisins, pour leur part, ont plaidé que François Thibeau a abusé de ses droits, porté atteinte de manière illicite et intentionnelle à leur droit à la vie privée, à la jouissance paisible de leur propriété, à l’inviolabilité de leur demeure, de leur dignité, de leur honneur et de leur réputation.

Dans sa décision, le juge Trudel signale une quinzaine d’interventions policières entre 2013 et 2015 au domicile de l’homme pour calmer le jeu, «mais sans réel succès».

Les voisins, selon le magistrat, ont subi de graves inconvénients. «Les inconvénients subis pendant plusieurs années ne peuvent être qualifiés de simple inconfort, écrit-il. Il s’agit de troubles de telles gravités et récurrence qu’ils en deviennent insupportables. Il est clairement anormal et excessif que les voisins, citoyens demeurant dans un quartier paisible, aient à supporter le mode de vie excessif, envahissant et méprisant de François Thibeau qui s’impose et agit comme seul et unique maître de la rue, sans aucune considération pour autrui.»

De l’avis du Tribunal, François Thibeau se considère au-dessus des lois et croit que personne ne peut lui dicter son comportement. «Il a abusé de son droit de propriété à outrance dans le strict but de nuire à autrui», fait valoir le juge Trudel qui fait état des conséquences subies par les plaignants.

Ceux-ci ont développé stress, anxiété et inquiétude, perte de joie de vivre, manque de sommeil, notamment pour les enfants. Certains, d’ailleurs, ont même dû être médicamentés.

En condamnant le Victoriavillois à payer, au total, 54 000 $ en dédommagement, le juge a reconnu qu’il peut être parfois difficile de tracer la ligne délimitant les droits de chacun, selon la tolérance réciproque que se doivent les voisins.

«Ici, il a clairement repoussé cette ligne bien au-delà des limites du raisonnable en adoptant un comportement teinté de mauvaise foi, de mépris et de manque de respect, sans se soucier des conséquences de ses comportements sur les autres», a conclu le magistrat.

En 2016, François Thibeau et sa famille ont vécu pendant un an à l’extérieur du pays. À leur retour, ils ont vendu leur résidence de la rue Montcalm pour emménager dans un autre secteur de Victoriaville.