L’autohypnose pour mieux courir

Par leur dossard distinctif indiquant qu’ils courent en état d’«autohypnose», on devrait facilement repérer Nathalie Châteauneuf et Luc Beauchesne dans le peloton des participants aux demi-marathons du Bonjour Printemps de mai, du Défi des buttes en juillet, de l’Ultra-trail du Bout du monde de septembre à Gaspé et enfin, au marathon de Québec en octobre. En autohypnose? Oui, oui, vous avez bien lu et il vous sera prié de ne pas les déranger lorsqu’ils se retrouveront dans leur «bulle», puisque ce sera un peu le cas à certains moments!

Les deux Victoriavillois et leur hypnothérapeute, Nathalie Turgeon, font partie de ce qu’on pourrait appeler une expérience-pilote menée par Alain Marillac, hypnothérapeute et enseignant à l’École de formation professionnelle en hypnotisme du Québec. Le Montréalais est en fait celui qui a enseigné à Mme Turgeon qui vient d’ailleurs d’installer sa pratique Hypnose et Symbiose.

Quatorze hypnothérapeutes, dont Mme Turgeon et 17 coureurs de tous les coins du Québec ont accepté de participer à l’Hypnomarathon 2018 visant à démontrer les effets bénéfiques de l’autohypnose sur leurs capacités. «On sent déjà des améliorations», disent les deux Victoriavillois ayant participé à des séances d’entraînement depuis décembre.

M. Marillac souhaiterait qu’en 2019, la cohorte s’élargisse et que l’Hypnomarathon fasse l’objet d’une recherche universitaire.

La seule force du cerveau

L’objectif est de démontrer que sans drogue, sans machine, les sportifs peuvent courir avec plus de facilité, plus de légèreté dirait Mme Châteauneuf… et avec moins de stress, dirait M. Beauchesne.

M. Marillac définit l’hypnose en parlant de la capacité d’une personne à adhérer à un imaginaire proposé. «On compose toujours avec la volonté de la personne», précise-t-il, donnant l’exemple de ces gens qui consultent pour maigrir, cesser de fumer, vaincre leur phobie des araignées ou leur panique à parler devant public.

Luc et Nathalie, deux «âmes sœurs» –  un tandem qui n’est pas un couple dans la vie – se sont connus il y une dizaine d’années au club de marche Passion plein air. S’étant, l’un et l’autre mis à la course, ils expliquent que par les propositions d’autosuggestions de l’hypnothérapeute, ils apprennent à se créer des animations virtuelles, un monde imaginaire «pour se tirer vers l’avant».

Nathalie Turgeon les rencontre individuellement et avec ce qu’ils sont, avec leurs références personnelles, elle les aide à construire les images et sensations auxquelles ils recourront au besoin durant l’épreuve. Les deux «cobayes» victoriavillois apprécient cette proposition de se bricoler un imaginaire «positif» et «constructif» parce que, Luc l’admet, les «longues distances, c’est plate et on finit par se demander ce qu’on fait là!».

«Ces suggestions sont comme un clou qu’on enfonce dans notre cerveau. Je commence à pouvoir le faire les yeux ouverts», dit Nathalie. «Il s’agit justement de conditionnement, de programmation, poursuit Nathalie Turgeon. Toute notre vie, notre cerveau se conditionne. Avec l’autohypnose on se conditionne à du positif.»

Se bricoler un «lieu de refuge»

Lorsque, en courant, l’anxiété ou la douleur se manifeste, chacun recoure à son «lieu de refuge», aux images qu’il ou elle a imprimées dans son cerveau. Parce qu’elle a parfois mal aux pieds, Nathalie s’imagine courir pieds nus sur un tapis de mousse.

Concernant la douleur, Alain Marillac souligne qu’il ne s’agit pas de la dénier. «Parce que ce serait risqué de se blesser davantage. L’autohypnose permet de gérer la douleur, de faire en sorte, par exemple, que le coureur adopte une autre position afin d’éviter de l’aggraver.»

Luc est en train de régler son problème d’anxiété lorsqu’il amorce une longue course. «J’hyperventilais et j’en avais des crampes au ventre», raconte-t-il. «Calme» serait le mot que l’hypnothérapeute répète sans cesse, le mot finissant par s’ancrer dans l’esprit du sportif. Il a aussi réussi à se débarrasser de sa peur panique du plus profond de la piscine où il s’entraîne régulièrement.

Nathalie, l’infographiste, court avec un «guépard» alors que Luc a fait revivre son chien Husky pour avancer avec plus de plaisir. Nathalie raconte que pour améliorer son temps et vaincre sa sensation de lourdeur elle s’est fabriqué l’image d’un bouquet de ballons.

À certains moments, c’est la chaleur qui devient accablante. Les deux font intervenir l’image de la fraîcheur qui descend de la falaise située quelque part sur le sentier d’une quinzaine de kilomètres entre Saint-Ferréol-des-Neiges et Sainte-Anne. «Comme une roche climatisée!», décrit Nathalie.

Leurs mondes imaginaires diffèrent. L’odeur de l’huile de cèdre inspire Nathalie à créer sa forêt verdoyante. Elle ne suggère, par contre, que le désinfectant à Luc qui travaille de nuit chez Maxi!

Si l’un et l’autre des sportifs victoriavillois ont amélioré leur temps grâce à l’autohypnose qu’ils commencent à maîtriser, ils soutiennent tous deux que ce n’est pas leur envie de performances qui les fait courir dans les sentiers et chez l’hypnothérapeute. «On le fait pour le plaisir et pour se sentir mieux.» Luc profite de l’occasion pour dire que ce ne sont jamais les premiers au fil d’arrivée qui sont les plus méritants… mais ceux qui finissent!

L’autohypnose est accessible à tous, soutient Nathalie Turgeon. «Ça prend de l’engagement», constate-t-elle, ajoutant que son rôle consiste surtout à accompagner ceux qui le veulent bien.