Apporter ses contenants pour faire l’épicerie? Un immense défi!

D’imaginer qu’un jour, le client apporte ses contenants à l’épicerie pour les remplir de riz ou de viande apparaît comme un défi, convient Frédérick Michaud, directeur général de la MRC d’Arthabaska. «Ce défi nous semble aussi immense qu’à l’époque où on nous encourageait à utiliser des sacs réutilisables dans les supermarchés. C’est maintenant devenu une habitude pour la plupart d’entre nous.»

En fait, cette possibilité que le consommateur fournisse lui-même ses récipients existe déjà dans certains établissements victoriavillois.

Depuis sa fondation, en 1978, la coopérative La Manne permet au client de peser son contenant pour ensuite le remplir d’aliments vendus en vrac ou encore de savons liquides. Il se présente à la caisse et paie le poids de ses lentilles ou de son millet.

La Manne s’apprête à pousser d’un cran son engagement à réduire les déchets en permettant aux clients de son restaurant d’utiliser leurs propres récipients (bol, plat ou tasse) pour un repas à emporter.

Elle devrait aussi être le premier établissement centricois à figurer à la carte des adhérents du Circuit zéro déchet (Circuit ZD), une initiative citoyenne de Cindy Trottier, appuyée par sa MRC Beauharnois-Salaberry. La Manne pourra alors afficher à sa vitrine l’autocollant du Circuit ZD.

Fondé en janvier dernier, ce réseau compte une trentaine d’adhérents, des cafés, des boutiques, des épiceries, des boucheries, des marchés. Sur la carte interactive de son site Internet (https://circuitzerodechet.com/), on constate que les membres commencent à essaimer dans tout le Québec.

Une pratique peu usitée

Coordonnatrice au marketing à La Manne, Diane Samson dit que même si la coopérative propose depuis longtemps cette possibilité d’apporter ses contenants, la pratique est encore peu usitée.

«Souvent les gens s’arrêtent à La Manne lors de leurs commissions. Et ils ne traînent pas leurs contenants dans leur voiture!»

Reste que d’afficher la possibilité de réutiliser ses contenants participera peut-être à éveiller les consommateurs, croit-elle. «Parce que lorsqu’on achète ses lentilles, par exemple, il est rare qu’on les conserve dans un sac de plastique.»

Bulk Barn emboîte le pas

La chaîne Bulk Barn n’apparaît pas à la carte du Circuit ZD, mais ses succursales, incluant celle de Victoriaville, ont joint ce qui est en train de devenir un mouvement. Une jeune cliente de Victoriaville qui avait tenté à plusieurs reprises de convaincre le personnel d’accepter qu’elle réutilise ses récipients sera heureuse d’apprendre que c’est désormais possible depuis février dernier.

«Il faut s’assurer que les contenants soient bien nettoyés; les sacs Ziploc, les sacs de café ou d’épices, ne sont malheureusement pas acceptés», affirme une employée de Bulk Barn.

Comme à La Manne, la pratique n’est pas courante. «Les gens ne sont pas habitués. La pratique se répandra peut-être par le bouche à oreille ou encore parce qu’un client en verra un autre utiliser, par exemple, ses contenants ou son sac en coton. On en vend d’ailleurs ici», poursuit-elle. Et depuis le 22 avril, Bulk Barn facture 0,05 $ pour le sac qui servira à transporter tous les aliments que le client a achetés, comme c’est le cas dans les supermarchés.

De l’ouverture chez Arachides Dépôt

Du côté de la chaîne québécoise Arachides Dépôt et plus, Gaétan Desruisseaux se montre tout aussi ouvert à l’idée que les clients apportent leurs bocaux pour les remplir, entre autres, de bonbons ou de chocolats. «On l’a toujours fait!»

M. Desruisseaux ne connaissait pas le Circuit zéro déchet, mais trouve l’initiative séduisante, d’«autant plus qu’on est à Victoriaville!»

400 kg de déchets par personne

Selon la fondatrice du Circuit zéro déchet, les achats courants, tels que l’épicerie, représentent plus de 80% des emballages. En 2015, note-t-elle dans un texte de son site, les Québécois ont jeté en moyenne plus de 400 kg de déchets par habitant en secteur résidentiel.

Expert-conseil en gestion des matières résiduelles chez Gesterra, Francis Gauthier salue cette initiative citoyenne, y voyant un «outil supplémentaire» pouvant être utilisé afin de réduire les déchets à la source.

Cette initiative s’inscrit dans l’air du temps alors que, de plus en plus, les gens «butinent» dans les marchés plutôt que de se rendre à l’épicerie une fois par semaine, observe M. Gauthier.

Il poursuit en disant qu’il est tout à fait imaginable qu’on puisse acheter sa viande et l’emporter dans ses propres contenants réutilisables, à la condition bien sûr que les règles d’hygiène et de salubrité soient respectées.

Chez Gesterra, la conseillère en gestion des matières résiduelles Fernanda Medina, offre ses services d’accompagnement aux entreprises désireuses de devenir plus vertes.

À la MRC d’Arthabaska, Frédérick Michaud croit que les initiatives citoyennes comme le Circuit ZD, d’autres comme celles de petites entreprises comme les microbrasseries, les producteurs de tomates bios, la pression urbaine, sont en train d’induire une nouvelle culture. «Je pense qu’on est à l’aube d’un changement que les grandes compagnies commencent à flairer.»

Il pressent que ce mouvement pourrait inciter des supermarchés à offrir de plus en plus d’aliments en vrac et qu’il faudra que soient modifiées certaines normes ministérielles.

Dans Victoriaville et sa région, depuis près d’un an, existe un compte Facebook (Zéro déchet Victo, MRC d’Arthabaska et cie) où on échange sur différents moyens de réduire les déchets.

La MRC d’Arthabaska a obtenu du ministère le feu vert pour son nouveau plan de gestion des matières résiduelles.