À M. le député Alain Rayes

Bonjour M. Rayes, comme vous le savez très bien, la santé d’une démocratie tient à l’intérêt qu’en portent ses citoyens. Aussi, outre les campagnes électorales, les affaires politiques ne sont pas un chèque en blanc pour toute la période d’un mandat, il semble que certains l’aient oublié.

Comme vous l’avez déjà dit quand vous étiez maire, le gouvernement municipal est le plus près du citoyen et pour cette raison devrait détenir à tout le moins un pouvoir à l’avenant. La présente lettre est donc pour souligner mon inquiétude devant les dispositions laissées aux entreprises gazières advenant l’adoption du projet de loi PL106. Vous-même avez suffisamment participé à faire de Victoriaville une plaque tournante du développement durable et de la récupération avec des fleurons comme Cascade, Gaudreault, sans oublier le travail de fond effectué par le regretté Normand Maurice, pour ne pas réaliser le danger éminent. Après avoir tant fait pour récupérer et trier les déchets afin de ne pas détruire les nappes phréatiques par le lixiviat des déchets, comment pourrait-on accepter que l’on puisse les corrompre directement à la source sans que la mairie puisse s’opposer avec vigueur par un droit de veto.

De plus, vous qui avez toujours eu à cœur le contrôle des dépenses, comment pourrait-on accepter de dépolluer des sources, des rivières avec des deniers publics ou encore dédommager des citoyens lésés, et ce, simplement parce que les entreprises n’accepteront jamais d’être tenues responsables pour des dommages invisibles à l’œil nu et difficiles à prouver, car sous terre! Sans oublier que les assurances refuseront aussi de payer les dommages pour les mêmes raisons (les couvertures seront d’ailleurs toujours insuffisantes à cet effet, Lac-Mégantic nous en a donné un exemple probant). Le projet de loi, comme si ce n’était pas assez, permettrait aux entreprises de puiser l’eau où bon leur semble. Croyez-vous que vider le réservoir Beaudet ou d’en saloper la source serait l’idée du siècle pour vous qui avez tant vanté la qualité de notre eau?

Enfin, comment pourrait-on accepter que des citoyens soient lésés et privés de la jouissance de leurs biens si les entreprises ont droit d’expropriation, si celles-ci peuvent détruire les sources, les nappes phréatiques rendant ces biens pratiquement sans valeur. Ici, nous réalisons que le citoyen ayant un droit de vote vaut moins qu’une entreprise (supposément une personne morale) sans droit de vote. Comment une telle chose peut être défendable? Les entreprises ont-elles un pouvoir supérieur sur les élus? Où est le droit inaliénable du citoyen à jouir de ses biens légalement acquis?

Je ne suis pas au courant de l’ensemble du dossier, mais il apparaît scandaleux que le gouvernement du Québec se donne le droit d’appliquer l’article 92A de la constitution de 1982 (amendements à la constitution de 1867) puisque les représentants du Québec ayant été écartés des négociations d’alors, en 1981 lors de la célèbre «nuit des longs couteaux»,  n’ont jamais paraphé ce document. Cette constitution n’ayant pas été approuvée, le gouvernement provincial n’a donc pas le droit légitime de l’appliquer sans le consentement de ses citoyens.

Sachant la vacance actuelle du poste de député provincial, j’aimerais donc que vous preniez une position ferme à Ottawa et lors de vos rencontres avec vos collègues fédéraux et provinciaux en dénonçant cette usurpation de la démocratie et en vous opposant à l’appétit des gazières et pétrolières. Vous qui avez toujours respecté votre parole, devrons-nous encore une fois prouver qu’à Victoriaville les discours et leurs idéaux ne sont pas que des mots?

J’en profite pour rappeler un extrait qui devrait faire réfléchir : « …lorsqu’une longue suite d’abus et d’usurpations, invariablement tendue vers le même but. Marque le dessein de les soumettre à un despotisme absolu, il est de leur droit, il est de leur devoir de renverser le gouvernement qui s’en rend coupable et de rechercher de nouvelles sauvegardes pour leur sécurité future.» Extrait de La déclaration unanime des treize États-Unis d’Amérique, 4 juillet 1776

L’avenir leur a donné raison!

Merci

Sylvain Poirier

Victoriaville