Dix mythes toxiques sur le vélo

Le potentiel du vélo pour révolutionner les transports est largement sous-estimé. Au Québec, une proportion importante du navettage (domicile-travail), même en région, s’effectue sur des distances se prêtant bien au vélo.

Selon Statistiques Canada (99-012-X2011064), 59% de la population du Québec a une distance de navettage inférieure à 10 km, et 36%, moins de 5 km. Pourtant, la majorité des gens qui pourraient se déplacer à vélo le boudent et plusieurs éprouvent des sentiments négatifs envers les cyclistes, souvent pour des raisons mal fondées. Analysons-les.

Mythe #10 : Le vélo c’est juste pour les pauvres

Le vélo est beaucoup plus efficient que la voiture, plaisant, il permet de faire de l’exercice, de prendre de l’air, de profiter du soleil, d’être en contact avec son entourage, d’éviter la congestion routière. Il n’y a aucune raison pour que les mieux nantis se privent des multiples bénéfices de ce moyen de transport.

Mythe #9 : Les cyclistes n’ont pas d’affaire sur les routes ou dans les rues

Les usagers à vélo ont autant le droit de circuler dans les voies que les usagers à bord des autres sortes de véhicules. Il y a deux sortes de voies publiques interdites aux cyclistes: les autoroutes et les trottoirs. Dire que les cyclistes «ont juste à aller sur les pistes cyclables, pas dans MA rue» est aussi ridicule que de dire aux automobilistes qu’ils ont juste à aller sur les autoroutes et à laisser les rues aux autres usagers.

Mythe #8 : Le vélo c’est pour les écolos/les idéalistes

L’impact environnemental réduit n’est pas le seul avantage du vélo. Que ce soit pour la santé, pour le plaisir, pour le social ou pour l’économie, toutes les raisons sont bonnes pour choisir ce transport actif. Loin d’être des idéologues dogmatiques, les cyclistes sont des pragmatiques qui choisissent leur mode de transport selon le contexte de chaque déplacement (distance, météo, choses à transporter, etc). Ce qui est dogmatique, c’est de choisir systématiquement le même moyen de transport sans se poser de questions, et ce ne sont pas les cyclistes qui font ça.

Mythe #7 : Les cyclistes sont plus délinquants

Les automobilistes sont habitués de fermer les yeux sur leurs propres comportements illégaux (respect des limites de vitesse, respect de la ligne d’arrêt, signalisation de ses intentions, respect des passages piétonniers, usage illégal du klaxon, respect des zones interdites au stationnement) et semblent chercher des reproches faciles à faire aux cyclistes. Il n’est pas toujours raisonnable, pertinent et sécuritaire que le cycliste signale systématiquement et s’arrête à tous les stops. Lâcher le guidon d’une main pour signaler peut être dangereux, privant le cycliste d’un frein et d’un support parfois indispensable pour traverser les mois de poule. Quant aux arrêts obligatoires, l’important est d’attendre son tour, s’il y a lieu, et de circuler de façon sécuritaire. Omettre d’arrêter avant de traverser une intersection où on ne croise aucun autre usager de la route n’est guère plus répréhensible que de rouler à 110km/h sur l’autoroute. On ne peut pas condamner un groupe en lui exigeant le respect strict de chaque règle peu importe le contexte, alors qu’on ne l’exige pas pour son propre groupe – c’est de l’hypocrisie.

Mythe # 6 : Les cyclistes ne contribuent pas

Le vélo est meilleur pour l’économie que la voiture. Un besoin est répondu avec moins de ressources et des revenus sont dégagés pour dépenser dans quelque chose qui a bien plus de chance de faire profiter l’économie locale que des voitures importées et de l’essence importée. Ceux qui ont au moins une base en économique reconnaîtront là le coût d’opportunité élevé de la dépendance à l’automobile.

Le financement de l’infrastructure routière provient des impôts et taxes, que les cyclistes paient comme les autres. Les droits d’immatriculation couvrent les frais de la SAAQ et les indemnisations versées aux victimes de l’automobile sur les routes. Les taxes sur l’essence constituent seulement une petite part du budget des routes, et ne compensent même pas pour les externalités négatives de l’automobile.

Mythe # 5 : Le vélo c’est difficile

Le pédalage peut être exécuté à n’importe quel niveau d’effort. Une vitesse de 20 km/h se maintient avec un effort minimal et un effort soutenu permet de maintenir 30 km/h. Pour éviter d’arriver au travail en sueur après son navettage du matin, on ménage ses efforts et on met de l’antisudorifique puis on porte un t-shirt de coton qu’on remplacera à son arrivée. Le vélo devrait être privilégié par les gens peu en forme, puisqu’il permettrait d’améliorer leur état.

Mythe #4 : Le vélo c’est trop lent

L’automobile implique énormément de temps dans des files d’attente. Petit et agile, le vélo permet généralement de se rendre sans attente jusqu’à un arrêt et de redécoller rapidement. Un déplacement de 5 km en ville prend 10 à 15 minutes à vélo, pas plus qu’en voiture et même plus rapide si le déplacement motorisé implique de traverser un stationnement à pied.

Mythe # 3 : Le vélo c’est dangereux

C’est pourtant bien évident qu’un véhicule compact de 10 kg est beaucoup moins compromettant pour la sécurité des autres usagers qu’un véhicule large de 2000kg. Quant à la sécurité du cycliste lui-même, plusieurs facteurs jouent en sa faveur du cycliste pour qu’il évite les accidents. Il peut choisir des trajets peu achalandés par les mastodontes à quatre roues, sans compromettre son temps de déplacement. Il a une meilleure vision et une meilleure audition de ce qui l’entoure. Son véhicule est compact, agile et bien manoeuvrable. Les accidents impliquant un cycliste sont plutôt rares, mais sont surexposés médiatiquement. Le partage sécuritaire de la route demeure un enjeu important et il est souhaitable d’en parler. Si tout le monde faisait sa part pour réduire ses déplacements en voiture solo, il y aurait beaucoup moins de voitures sur les routes, donc ce serait plus sécuritaire pour tous.

Mythe # 2 : Le vélo c’est juste pour les grandes villes

«En région, on n’a pas le choix de se déplacer en voiture» est la mauvaise excuse la plus dommageable pour la mobilité active dans les communautés rurales. Être en région n’a rien à voir avec la possibilité ou non d’utiliser un vélo plutôt que l’automobile, le facteur déterminant cela est la distance à parcourir. Les statistiques évoquées en introduction portent sur l’ensemble de la population du Québec : la majorité de la population parcourt une distance de navettage inférieure à 10km, et plus du tiers, moins de 5km – une distance parfaitement praticable à vélo. Selon une étude réalisée en 2012, «Analyse du potentiel de développement de la mobilité durable des travailleurs au Centre-du-Québec», 50% des citoyens de Victoriaville et Drummondville parcourent une distance de navettage de 4 km et moins. C’est ça, «ne pas avoir le choix de prendre son char»?

Mythe #1 : Le vélo ne peut pas faire de différence

C’est incroyable qu’en cette époque où on cherche des solutions aux changements climatiques, où les citadins virent fou à cause de la congestion routière et où la sédentarité est une catastrophe de santé publique, on rêve du véhicule sans pétrole alors qu’il y en a un sous notre nez depuis plus d’un siècle. Le navettage à vélo est une solution à portée de main qui pourrait soulager de grands maux. Une proportion considérable des déplacements actuellement faits en automobile pourraient être faits à vélo avec d’énormes bénéfices pour l’économie, la santé et la sécurité publique, le tissu social et l’environnement. Ce qui manque le plus, c’est l’ouverture d’esprit, la discipline et l’envie de faire sa part.

Geoffroy Ménard

Agroéconomiste, cycliste et automobiliste

Victoriaville