L’artiviste Caroline Moreau exposera au Forum Social Mondial

ARTS VISUELS. La Victoriavilloise Caroline Moreau, qui se décrit comme une «artiviste» (mélange d’artiste et d’activiste) fait partie du groupe de six artistes qui auront l’occasion d’exposer dans le cadre du Forum Social Mondial, qui se tiendra du 9 au 14 août à Montréal.

Pour cet événement international, Caroline ramasse, depuis un an maintenant, les petits collants qu’on retrouve sur les fruits et légumes en épicerie. Pour cela, elle a demandé l’aide de la population et plusieurs ont accepté de contribuer, à leur façon, à ce projet artistique.

Ce petit collant peut sembler anodin à première vue, mais il comporte plusieurs indications sur l’aliment : sa provenance et sa culture (bio, avec ou sans pesticide) notamment. Caroline les dénombre minutieusement et se permettra de compiler certaines données, question d’ajouter un élément de recherche à son œuvre. «Il y a beaucoup d’informations sur un si petit étiquette que la plupart d’entre nous ne regardent même pas», explique-t-elle.

Déjà, l’artiviste a remarqué que même après que le fruit sur lequel le collant est apposé est complètement pourri, celui-ci demeure encore. «Alors il devient très important dans l’environnement», remarque-t-elle.

À son appel à la population pour l’aider à récolter les petites étiquettes, une vingtaine de personnes au moins ont répondu et lui ont fait parvenir le «fruit» de leur consommation. «Cela m’a permis de rencontrer des gens qui s’intéressent à ma démarche et aussi de recueillir des milliers de collants», note-t-elle.

Pour son projet d’exposition, Caroline (tout comme les cinq autres artistes) est jumelée à un économiste, Jérôme Dupras (un membre des Cowboys Fringants qui est aussi enseignant en sciences naturelles à l’Université du Québec en Outaouais). Lui aura un essai à faire et elle une œuvre à créer. Le thème qu’ils ont retenu est «l’externalité» en agriculture ou la réelle valeur (ou coût) environnementale du fruit qu’on consomme.

Elle aura des tests à faire avant de procéder à la réalisation de son œuvre, mais Caroline peut déjà dire qu’elle a comme idée de créer une grande mosaïque à partir des petits collants. La grande image pourrait être un symbole comme une fraise ou un orang-outang.

L’utilisation des collants fournis par la population donne également une dimension collective à l’œuvre tout en montrant le quotidien des ramasseurs (et leurs habitudes alimentaires). Cela toujours afin de sensibiliser le spectateur.

Pour Caroline Moreau, la chance de présenter son travail à un rendez-vous citoyen aussi important que le Forum Social Mondial s’inscrit parfaitement dans sa démarche artistique. «J’ai bien l’intention d’y faire un tour. Il y aura des gens de partout dans le monde, ce qui me donnera une visibilité internationale», apprécie-t-elle. Cela lui permettra aussi de sortir du milieu institutionnel, où elle a de la difficulté à trouver sa place.

Dans son art, elle se fait un devoir de présenter une critique (mise en lumière de problèmes), mais également de proposer une utopie (réinventer une nouvelle civilisation). Si elle s’affirme comme artiviste, elle note que peu de gens osent le faire au Québec. «L’art politique ne marche pas. Il est difficile de percer», a-t-elle remarqué, ce qui ne semble pas la décourager toutefois.

À voir aussi

Outre le Forum Social Mondial, on peut voir le travail de Caroline Moreau grâce à la MRC de l’Érable qui propose une exposition au Carrefour de l’Érable de Plessisville. Elle y expose deux sculptures «qui détonnent beaucoup du reste», dit-elle en souriant. Caroline a choisi pour cette occasion son crâne fait de cravates qu’elle intitule Démokratia et Cubus, un cube rubik dont les carreaux sont faits en jeans (le vêtement des travailleurs) et qui tourne en rond. Des carreaux sont aussi faits en cravates (classe sociale) et il y a des cases vides qui donnent le choix et permettent de changer les choses. Ces deux œuvres sont exposées jusqu’en septembre.

Dans son travail, Caroline réfléchit à tous les détails de l’œuvre et les nombreux sens qu’on peut lui donner. Tout est interrelié et se tient parfaitement, répondant à ce qu’elle souhaite dénoncer ou mettre en lumière.

L’artiviste a également plusieurs projets et demandes de bourses qui attendent des réponses : ateliers expérimentaux avec l’AGEPA et formation au Maroc, pour ne nommer que ceux-là. En plus, elle commence à s’intéresser au fléché de nos traditionnelles ceintures qu’elle voudrait jumeler à des techniques d’autres pays, question de faire du métissage culturel.

Actuellement coordonnatrice par intérim à la Corporation de développement communautaire de l’Érable, Caroline Moreau continue à relever des défis, autant artistiques que communautaires.