Noël : la fête universelle

TRADITION. Rares sont les pays du monde qui ne célèbrent pas, d’une façon ou d’une autre, la fête de Noël. Chacun adapte la célébration selon ses croyances et coutumes et le point commun de ces célébrations est, depuis des millénaires, le solstice d’hiver.

Le frère Jasmin Houle, sc, en connaît long sur les traditions de Noël, que ce soit avant la naissance de Jésus ou après. C’est un sujet qui lui tient à cœur et sur lequel il a fait plusieurs recherches qu’il a partagées en entrevue devant des crèches qu’il a installées au Musée Laurier pour le mois de décembre. «Noël marque la plus longue nuit de l’année. Il s’agit aussi du moment où les jours commencent à rallonger. C’est la victoire de la lumière sur les ténèbres», explique-t-il d’entrée de jeu.

Parce que ce solstice d’hiver impressionne l’humain depuis la nuit des temps. La lumière diminue de plus en plus, jour après jour…jusqu’à quelques heures d’ensoleillement seulement. «De là sont apparues des pratiques comme le feu de Noël et de la Saint-Jean-Baptiste (à six mois d’intervalle, 24 juin et 24 décembre, les deux solstices).

Parlant de lumière, Jasmin explique que la bûche de Noël provient des Celtes qui, afin que la lumière soit présente toute la nuit, coupaient une grosse bûche qu’ils faisaient bruler afin d’aider à traverser les ténèbres. Aujourd’hui, cette bûche est toujours présente dans les traditions, mais s’est transformée en gâteau!

Chez les Romains, dans la même période, soit en décembre, se déroulaient les Saturnales. Célébration de Saturne, dieu de l’agriculture, la fête comprenait des réjouissances du 17 au 24 décembre. «Les gens décoraient alors les maisons de verdures», ajoute Jasmin. Et après les Saturnales, c’est la fête des Sigillaires qui était célébrée. «À ce moment, on donnait des cadeaux surtout aux enfants. La fête donnait lieu à des festins dans les maisons toujours décorées de verdures», souligne-t-il. On est déjà très près des célébrations contemporaines…

Il y avait également, le 25 décembre, la célébration par les Romains de Mithra, un demi-dieu perse né d’une vierge dans une grotte. «Ce culte, celui de la nativité du soleil invincible, a pris de l’ampleur si bien qu’en 274, l’empereur Aurélien le déclare religion d’État», soutient Jasmin.

Le Noël tel qu’on le connaît aujourd’hui est donc l’héritage de plusieurs traditions. «On peut même dire qu’il y a le Noël préchrétien et le postchrétien. Ça dépasse la fête religieuse et si Noël dure encore, c’est parce qu’il s’est «inculturé» aux peuples», ajoute-t-il. Beaucoup plus que Pâques notamment qui, pourtant, a une bien plus grande signification pour les chrétiens…

Et même après l’officialisation de la religion chrétienne (vers les années 300), les gens continuaient de fêter les Saturnales et ont alors eu l’idée de fêter le Christ de la même façon. «Ainsi, le soleil invincible (Mithra) a été remplacé par la lumière du monde (Jésus). La transition s’est faite naturellement», souligne Jasmin. Et c’est en 354, comme il l’explique, que le pape Liberius a officiellement désigné le 25 décembre comme étant la fête de la naissance du Christ. «Plusieurs dates avaient été avancées pour cette naissance : le 28 mars, le 19 avril ou le 29 mai. Certaines églises avaient choisi le 6 janvier qui correspond aux épiphanies de Dionysos et d’Osiris (deux divinités qui, comme le Christ, meurent et ressuscitent…)», ajoute-t-il.

Et la roue a continué de tourner alors que les chrétiens ont aussi assimilé la fête de Noël à des fêtes païennes pour faciliter le passage vers la foi chrétienne. Aussi, avec la propagation du christianisme, Noël s’est mis à remplir un rôle de plus en plus important, autant dans la vie sociale que politique des peuples européens. «À la suite de l’écroulement de l’administration romaine et du système de transport, les communications entre les souverains se sont faites de plus en plus rares. Noël et devenu une des rares occasions pour eux de se rencontrer», précise Jasmin Houle.

Quelques symboles

La fête de Noël est désormais associée à une symbolique élaborée et il est intéressant de voir comment sont nés quelques ingrédients qui sont maintenant partie prenante des réjouissances de décembre.

Le sapin de Noël provient des Germains (Allemagne) et c’est la reine Victoria qui a apporté ce symbole en Angleterre. «Le sapin, c’est la vie malgré la mort autour puisqu’il demeure bien vert alors que les autres arbres perdent leurs feuilles», note Jasmin.

Du côté des crèches, elles sont inspirées de représentations scéniques extérieures puis de François d’Assises qui voulait faire des crèches vivantes. Les personnages ont ensuite été remplacés par des mannequins jusqu’aux crèches installées dans les maisons (initiées notamment par les Allemands puis les Italiens).

Les couronnes d’Avent sont aussi un important symbole et elles s’inspirent pourtant du simple entreposage des roues de chariots au plafond à l’intérieur pour l’hiver, qui étaient décorées pour Noël.

La charité à Noël, pour sa part, s’inspire du conte de Charles Dickens, «A Christmas Carol». Cette histoire a eu un écho international qui a inspiré la charité des riches face aux pauvres. «Pour que chaque famille fête Noël dignement», insiste Jasmin.

Puis arrive Saint-Nicolas qui débarque dans les grands magasins à la fin du 19e siècle. Celui-ci devient rapidement le père Noël, un personnage plus neutre. Quant à l’allure du gros bonhomme rouge, on la doit à Coca-Cola qui, en 1931, avec sa publicité, a universalisé l’image du père Noël.

«Et de nos jours, tous les chanteurs doivent avoir un disque de Noël, les cuisiniers un livre de recettes de Noël. Et c’est une bonne chose parce que grâce au commerce, la fête reste vivante», estime Jasmin.

Peu importe la religion, Noël est devenu une fête universelle qu’on célèbre partout sur le globe. «Même les pays musulmans ont congé à Noël même s’ils ne célèbrent pas», note Jasmin.

Enfin, il y a les cadeaux (inspirés de la fête des Sigillaires rappelons-le). «Il n’y a rien de mal dans le fait d’offrir des cadeaux. Ça veut dire : t’es important pour moi. C’est très chrétien et c’est comme les rois mages», ajoute-t-il. Tout ce qui manque, c’est de se rappeler le véritable sens de la fête, de se dire pourquoi on est là. «Il faut transmettre la tradition et le sens de Noël, comme on transmet son histoire, sa culture et sa religion.»

De son côté, le frère Jasmin Houle célèbrera Noël dans sa communauté, puis avec sa famille. À ce moment, on lui demande de dire le bénédicité, ce qu’il fait avec plaisir.