La prison dans la collectivité pour Joël Poliquin

VICTORIAVILLE. Le juge Jacques Trudel, de la Cour du Québec, a imposé une peine de prison dans la collectivité à Joël Poliquin, mercredi matin, au palais de justice de Victoriaville.

La couronne réclamait une peine d’emprisonnement ferme de neuf mois. La défense, de son côté, penchait pour une absolution conditionnelle assortie d’une amende ou de travaux communautaires.

Le juge Trudel a tranché pour 10 mois à purger à son domicile. L’ex-enseignant, reconnu coupable, en avril dernier, de contacts sexuels par une personne en situation d’autorité ou de confiance, sera astreint à sa résidence de Drummondville 24 heures sur 24 durant les cinq prochains mois, sauf pour le travail, pour ses rencontres avec son agent de surveillance, pour effectuer des travaux communautaires, pour suivre des formations académiques ou professionnelles, pour la recherche d’emploi, pour pratiquer son culte religieux, pour des raisons médicales et pour la période des fêtes (du 23 décembre au 3 janvier). Il pourra quitter son domicile le samedi, de 10 h à 16 h, pour faire l’achat de biens de subsistance. Les cinq mois suivants, il devra respecter un couvre-feu de 23 h à 6 h. Le juge Trudel lui a aussi imposé 120 heures de travaux communautaires. Un échantillon d’ADN lui sera prélevé d’ici 90 jours. Son nom sera inscrit dans le registre des déliquants sexuels pendant 10 ans. Après avoir purgé sa peine, il sera sous probation pendant 18 mois.

Parmi les facteurs aggravants retenus par le magistrat, on compte la durée et le nombre de contacts sexuels avec la victime, la situation d’autorité de Joël Poliquin au moment des faits, la vulnérabilité de la victime et la différence d’âge entre les deux (13 ans). Le juge a souligné l’absence de regret de Joël Poliquin, tant à l’égard de la victime que pour les gestes posés. «Dans le présent cas, vous n’avez manifesté aucun remords, ni de regret spécifique pour les gestes posés ou pour la victime. Vous avez plutôt une approche légaliste, considérant que vous n’auriez pas dû faire cela», a-t-il ajouté.

Comme facteurs atténuants, il a considéré le fait que l’ex-enseignant de musique et ex-membre de l’équipe de direction de la polyvalente La Samare n’avait aucun antécédent judiciaire, qu’il jouissait d’une réputation enviable quant à ses compétences professionnelles, qu’il a presque tout perdu depuis sa mise en état d’arrestation par les forces de l’ordre (son emploi, sa réputation, de nombreux amis, etc.) ainsi que la médiatisation relativement importante du procès. «Mais même s’il n’est pas un personnage public, il a commis les gestes alors qu’il était en fonction», a souligné le juge Trudel durant le prononcé de la peine, qui a duré près d’une heure.

L’absence de séquelles chez la victime, qui avait affirmé être consentante au moment des faits, a aussi été considérée. «Durant son témoignage, elle a dit ne jamais s’être sentie comme une victime, même encore aujourd’hui», a-t-il poursuivi.

«Mais le consentement ne constitue aucunement une défense», a rappelé le magistrat. Le rapport d’autorité a plutôt été au cœur de la décision du juge.

Alors que la victime, dont on ne peut révéler l’identité puisqu’elle était âgée de 17 ans au moment des faits, en 1998, n’a subi aucune contrainte à la suite de ces gestes, le juge a précisé que la peine imposée ne visait pas la réparation des torts causés. Le crime perpétré l’a été à l’égard de la société, considérant la situation d’autorité de l’enseignant à l’époque.

Citant le juge Valmont Beaulieu lors du prononcé de la peine de Tania Pontbriand, ex-enseignante reconnue coupable d’avoir entretenu une relation avec un étudiant, le juge Trudel a fait valoir que «les étudiants, les parents, les autorités et la société ont le droit et non le privilège d’avoir une entière confiance en leurs enseignants ayant comme rôle d’éduquer et d’instruire les enfants et les adolescents.» Joël Poliquin aurait donc dû tout mettre en œuvre pour éviter de se placer dans une telle situation, selon le juge.

Initialement, la victime ne souhaitait pas porter plainte contre Joël Poliquin. Ce n’est que 12 ans après les faits qu’elle a fait appel aux autorités. Si elle a dénoncé, a noté la plaignante durant le procès, c’était pour rétablir les faits. Elle estimait que Joël Poliquin avait menti lors de son premier procès pour lequel il a été acquitté en décembre 2013. L’ex-enseignant avait affirmé en Cour qu’il n’avait jamais entretenu de relation avec une étudiante. «Mais je savais que c’était un mensonge. Il a déjà couché avec une étudiante, moi», avait dit la victime lors de son témoignage.

C’est ce mensonge qui a poussé la victime à porter plainte. «C’est la conscience de la victime, qui a senti cette obligation de respecter les règles et les lois de notre société, qui l’a poussé à dénoncer», a dit le juge Trudel.

Ce dernier a rappelé que puisque les faits sont survenus avant 2005, moment où loi s’est durcie, les mesures alternatives à l’emprisonnement en milieu carcéral pour ce genre de délit était permis. «Une peine de prison s’impose, mais je suis convaincu qu’une peine dans la collectivité ne mettrait pas en péril la société, a lancé le juge Trudel. Je me permets de dire que vous avez sans aucun doute les compétences pour aider la société.»

Joël Poliquin, accompagné de proches, a quitté rapidement la salle d’audience après avoir reçu sa peine. Il ne s’est pas adressé aux membres des médias, s’engouffrant dans l’ascenseur.

Il est maintenant en attente d’un autre procès, le 28 octobre, pour une affaire de harcèlement criminel envers une femme et de supposition de personne.