Les hôtels particuliers de Marie-Ève Richard

VICTORIAVILLE. Hôtelière bien singulière que Marie-Ève Richard… À force de recherches, de lectures, surtout d’observations, elle est devenue, en quelque sorte, une spécialiste de la construction d’hôtels à insectes.

Tant et tant que le Centre d’expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité (CETAB+) lui a demandé d’en bâtir un au Boisé des frères et un autre pour les jardins de la ferme-école.

Avec la biologiste Noémie Gagnon Lupien du CETAB+ et le stagiaire d’origine haïtienne Yves Chanlatte, Marie-Ëve devrait entreprendre la construction de ses deux hôtels au début du mois de juillet.

Avant d’énumérer les matériaux dont elle a besoin pour ériger ses installations, Marie-Ève Richard expliquera en quoi elles sont utiles.

Elles offrent refuge à des insectes bénéfiques dans les jardins et potagers. Bénéfiques pour le pollen qu’ils dispersent. Bénéfiques parce qu’ils sont les prédateurs de ravageurs que l’on veut chasser autrement que par des produits.

À la liste des insectes utiles, il y a l’abeille et la guêpe nordique qui ne vivent pas en essaim comme les autres. Il y a le carabe, la coccinelle, le chrysope, le perce-oreille, le pemphrédon, le syrphe.

Marie-Ève expliquera que pour héberger ces insectes, il faut reproduire leur habitat naturel. Bûches trouées, briques, cocottes, tiges creuses, pierres plates, bois à moelle, paille, tout cela peut servir à bricoler un hôtel, chambre par chambre, étage par étage.

Ses premières expérimentations, la jeune femme les a menées dans les Jardins communautaires de la rue Lactantia, elle qui, formée en horticulture ornementale, faisait partie du comité d’écologie. Il y a, dans ces Jardins, un grand hôtel et des minuscules.

Pas d’hôtel sans resto

Si l’hôtel sert à héberger des insectes pour la nuit ou pour leurs activités de reproduction, il ne serait pas complet sans un service de restauration. Les insectes qui logent à l’hôtel doivent trouver un «resto» à proximité… C’est pourquoi dans le voisinage immédiat de l’installation, on plantera une bande florale. Encore là, il faudra connaître les fleurs les plus susceptibles d’attirer les insectes que l’on souhaite.

La biologiste Noëmie Gagnon Lupien reconnaît qu’il sera difficile de mesurer les effets de ces installations sur le verger et le rendement des cultures.

Reste que, comme sujet de recherches, elles s’intègrent parfaitement bien dans les projets d’aménagement du Boisé et qu’il s’agit d’une façon d’augmenter la biodiversité, de favoriser un équilibre biologique. Et puis, ajoute-t-elle, ces hôtels présentent un caractère fort éducatif.

«Ils nous rapprochent de la nature», renchérit Marie-Ève. Elle admet qu’au début, elle craignait d’approcher ses habitats grouillants. Aujourd’hui, elle ne se lasse pas de jeter un œil indiscret dans la chambre de ses hôtes, histoire d’en apprendre davantage sur leurs us et coutumes.

Elle dit avoir été ravie par la proposition du CETAB+. «J’ai beaucoup d’estime pour le CETAB+ et pour la ferme-école.» Ce travail qu’elle effectuera au Boisé des frères sera le stage clôturant son passage à Accès Travail et constituera peut-être sa rampe de lancement vers le marché du travail.

D’Haïti à ici

L’agronome haïtien Yves Chanlatte, effectue aussi son stage au CETAB+. Originaire de Bainet en Haïti, il découvre la culture des grandes surfaces et le verger. Il n’y pas de pommes dans son pays natal. «Et chez nous, le chiendent sert à l’aménagement!»

À 34 ans, il souhaiterait intégrer la société québécoise, étant prêt, à l’automne, à se soumettre aux examens de l’Ordre des agronomes du Québec.

Noémie Gagnon Lupien dit que si le stagiaire apprend des méthodes québécoises, ses connaissances en micro-irrigation sont précieuses. «Ici, vous voulez sortir l’eau des cultures!» En Haïti, il faut apporter, goutte à goutte, l’eau dans les jardins, explique le stagiaire.