Sébastien Girard : la prison ou une peine dans la collectivité?

VICTORIAVILLE. La poursuite réclame une peine ferme de 18 mois d’emprisonnement pour le réputé musicien Sébastien «Bob» Girard, reconnu coupable au début juillet d’attouchements sexuels par une personne en situation de confiance ou d’autorité et d’agression sexuelle sur une adolescente. La défense, pour sa part, milite pour une peine de 15 mois à purger dans la collectivité.

Au terme des représentations sur sentence en fin de journée, lundi, la juge Guylaine Tremblay de la Cour du Québec a pris la cause en délibéré et fera connaître sa décision le 29 janvier.

Dans sa plaidoirie, la procureure aux poursuites criminelles et pénales, Me Ann Marie Prince, a évoqué la récente cause de Tania Pontbriand, cette enseignante condamnée à 20 mois d’emprisonnement pour avoir eu des relations sexuelles avec un élève. «Cette décision du juge Valmont Beaulieu fait une revue exhaustive de la jurisprudence», a indiqué Me Prince ajoutant que le cas présentait plusieurs similitudes avec le dossier de Sébastien Girard. «Le profil se ressemble. Il s’agit d’une femme (Mme Pontbriand) sans antécédent avec un comportement exemplaire et appréciée de tous», a souligné la procureure.

Pour le genre de délits en cause, les peines vont de six mois à deux ans d’incarcération, incluant la peine dans la collectivité.

«Mais dans le cas qui nous concerne, les conséquences ont été dévastatrices pour la victime, a plaidé Me Prince. Pour une question de dissuasion générale, la Cour se doit d’imposer une peine ferme d’emprisonnement.»

La représentante de la poursuite a fait valoir que la seule distinction dans le dossier de Sébastien Girard comparativement au cas Pontbriand concerne un nombre moins élevé de relations sexuelles.

«Il ne faut pas oublier l’autre chef, en dehors de la situation d’autorité. Il s’est livré à une agression sexuelle», a précisé Me Prince qui, en plus de réclamer une peine ferme de 18 mois de prison, a demandé une période de probation de deux ans avec une condition de ne pas communiquer avec la victime et ses proches.

La défense

Dans sa longue plaidoirie débutée en fin de matinée et qui a nécessité près de deux heures en après-midi, l’avocat de «Bob» Girard, Me Ronald Robichaud a soumis certains cas de jurisprudence, également celui de Tania Pontbriand, pour en arriver à suggérer, à la juge Tremblay, une peine globale de 15 mois d’emprisonnement à purger dans la collectivité. «Une telle peine suffit pour remplir les critères de dissuasion et satisfaire les fins de la justice», a-t-il soutenu.

Une peine dans la société, a-t-il dit aussi, peut remplir les critères de dénonciation en y incluant des conditions. «Une peine avec sursis peut avoir un effet de dénonciation appréciable, surtout avec l’application de conditions rigoureuses», a noté Me Robichaud.

L’avocat a fait valoir que son client avait 22 ans à l’époque, qu’il n’a jamais agi comme enseignant envers la victime, tandis que Tania Pontbriand, elle, avait une formation d’enseignante et un poste bien réel. «Mon client, lui, n’avait alors aucun diplôme, aucune formation, ni de poste réel. Il ne faisait que du remplacement.»

La peine, a précisé l’avocat, doit être «juste et appropriée» tout en reflétant la gravité objective du délit et la culpabilité morale de l’accusé. «Mon client n’avait aucune notion de pédagogie. Il n’était pas informé des obligations qu’il avait. On ne doit pas ignorer le principe d’individualisation de la peine qui doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité», a-t-il signalé

La représentante du ministère public a profité d’une brève réplique, à la suite des représentations de Me Robichaud, pour faire remarquer que, dans la jurisprudence, on accorde une peine dans la communauté dans les cas particuliers où on constate une absence de séquelles psychologiques chez le plaignant. «Ici, on est ailleurs complètement. Et puis, malgré le jeune âge de Sébastien Girard et le manque d’expérience soulevé, le lien d’autorité était existant. Il lui appartenait de poser ses limites. Il ne l’a pas fait. Il a fait preuve d’un comportement insouciant dans cette relation secrète. Il n’éprouvait aucun malaise dans ce contexte», a souligné Me Ann Marie Prince.

«Je ne suis plus ta victime»

La victime de Sébastien Girard a pris la parole, lundi matin, pour exposer les conséquences importantes qu’elle a subies dans toute cette affaire.

«Aujourd’hui, c’est le moment de reprendre ma vie, celle que tu m’as prise à 14 ans», a-t-elle commencé.

Dans un témoignage émotif de quelque 25 minutes, la jeune femme, s’adressant à Sébastien Girard, lui a rappelé sa manipulation. «Tu m’as tendu un piège. Je ne m’en rendais pas compte. Je savais que c’était quelque chose de malsain. Et cela est devenu irréel quand c’est devenu plus que des embrassades. Je ne savais plus quoi faire pour que tu arrêtes», a-t-elle indiqué.

La victime a fait état de son mal de vivre, des antidépresseurs qu’elle a dû prendre pendant des mois, de ses 82 séances à ce jour chez le psychologue. «J’ai pensé que tout ce que je méritais, c’était mourir», a-t-elle dit.

La jeune femme a vécu beaucoup d’angoisse et d’anxiété, de stress, de l’insomnie et des cauchemars, découragée aussi par le long processus judiciaire. «J’avais hâte que ça finisse pour tourner la page», a-t-elle confié, ajoutant qu’elle demeurait anxieuse, insécure, éprouvant des difficultés à faire confiance et à se faire confiance.

«Le plus triste, a-t-elle poursuivi, c’est l’impossibilité de revenir en arrière. Tu m’as enlevé mon sourire, mon innocence, mon enfance, ma joie de vivre.»

Mais la plaignante a réussi, malgré les embûches, à retrouver l’espoir d’une vie heureuse, et la confiance en l’amour. «Dès aujourd’hui, plus jamais je ne verserai une larme à cause de toi. Je te le promets. Je ne suis plus ta victime», a-t-elle conclu.

«Je vous souhaite que le temps fasse son oeuvre», lui a mentionné la juge Tremblay.

Sébastien Girard s’excuse

Âgé de 35 ans, Sébastien Girard a aussi tenu à s’exprimer, débutant la lecture de sa lettre en formulant des excuses. «J’offre toutes mes excuses pour le mal et les torts causés. Je regrette sincèrement. Je n’ai pas décelé sa détresse. Rien ne me laissait croire qu’elle était mal», a-t-il dit avec émotions.

Le Victoriavillois a soutenu qu’il ignorait que la situation était illégale. «J’étais étudiant et non un professeur. Je n’avais pas la connaissance de la situation d’autorité. Notre relation m’apparaissait consentante. Jamais je n’ai voulu profiter d’elle. Je croyais qu’il s’agissait d’une relation simple. Ce n’est pas dans ma nature profonde de blesser les gens», a-t-il mentionné.

Sébastien Girard a fait savoir qu’il n’a jamais eu l’impression de mal agir, jusqu’au moment de son arrestation qu’il n’a jamais vu venir. «J’ai vécu l’humiliation. L’arrestation est survenue à l’école, devant des gens», a-t-il relaté, affirmant avoir essuyé des insultes des policiers et d’avoir subi, par la suite, les impacts négatifs de la forte médiatisation de l’affaire.

«J’ai été suspendu sans solde. J’ai perdu mes contrats, ma source de revenus et ma passion, la musique. Je n’ai pas seulement perdu un emploi, j’ai perdu ma carrière. Je ne peux plus enseigner, ni partager ma passion. J’ai dû mettre une croix sur ma carrière», a confié celui qui mijote d’autres projets.

Sébastien Girard soutient qu’il souffre encore, que son estime de soi a été anéantie. «Je n’ai jamais été de mauvaise foi, a-t-il dit encore. Je n’ai pas agi pour satisfaire mes besoins. Je n’aurais jamais pensé que notre relation pouvait être mal et illégale. Je m’excuse, je regrette. Jamais je n’ai voulu faire du mal ou abuser de sa confiance. J’aurais cessé si j’avais eu des doutes.»