Une Coopérative… de solidarité envers les producteurs agricoles

VICTORIAVILLE. On en a testé le fonctionnement, on vient de formaliser sa structure. Vient de naître un nouvel organisme, la Coopérative de solidarité de services de remplacement agricole. Son noyau se compose d’ouvriers et de producteurs agricoles, les premiers prêts à remplacer les seconds ayant besoin d’un peu de répit. «C’est à la fois un moyen d’améliorer la qualité de vie des producteurs et, ainsi, d’assurer la pérennité de l’agriculture», souligne Michel Gendreau, chargé de ce projet au Centre d’innovation sociale en agriculture (CISA) du cégep de Victoriaville.

La création de cette coopérative avait été préfigurée par l’expérience-pilote menée pendant un an avec une trentaine de fermes laitières des MRC d’Arthabaska et de L’Érable et onze ouvriers agricoles qu’on appelait des agents de remplacement.

Un concept européen

On a ainsi expérimenté ce concept européen des services de remplacement à la ferme, auxquels pouvaient recourir les producteurs.

Au total, sur onze mois, 822 remplacements ont été faits par des agents et agentes de remplacement sur 33 entreprises agricoles pour un total de 4868 heures de travail.

La grande majorité des entreprises participant au projet pilote (84%) ont eu recours aux services de remplacement pour des congés. Près de 29% d’entre elles l’ont fait pour cause d’accident, de maladie et même décès d’un producteur.

Le projet a été suffisamment concluant pour qu’on veuille lui donner une structure formelle, créant une Coopérative de solidarité regroupant des producteurs, des travailleurs et des membres de soutien, comme La Coop des Bois-Francs.

On a procédé à son lancement mardi midi, activité à laquelle participait le président de l’Union des producteurs agricoles, Marcel Groleau. Il se serait montré enthousiasmé par la portée de cette coopérative que l’on souhaite voir essaimer à travers tout le Québec.

La Coopérative mise aussi sur l’UPA pour l’appuyer dans ses démarches visant à obtenir des crédits d’impôt pour les membres producteurs utilisant les services de remplacement. La formule européenne s’assortit d’un tel programme.

115 fermes dans le viseur

Présidée par Éric Houle, copropriétaire de la ferme Érilis de Victoriaville, la Coopérative a déjà chiffré ses objectifs. Elle souhaiterait que, d’ici trois ans, elle réunisse 115 entreprises agricoles au Centre-du-Québec. Elle commence son existence avec 20 exploitations et sept travailleurs membres. «Et on veut l’élargir à d’autres types d’entreprises agricoles que les seules fermes laitières», souligne Michel Gendreau.

Il explique que l’existence d’une telle Coopérative contribue à soutenir les producteurs et, ce faisant, à protéger l’avenir de l’agriculture. C’est une façon de prévenir l’épuisement des gens, l’abandon des fermes. «Quand on dit qu’une centaine de fermes laitières centricoises d’une cinquantaine de vaches chacune représente une valeur oscillant entre 200 et 300 millions $; c’est un capital à préserver», dit encore M. Gendreau.

Prévenir l’épuisement

Avec ce projet, le CISA répond tout à fait au contexte qui l’a fait naître il y a cinq ans. On parlait du lourd fardeau des producteurs agricoles, de leur détresse psychologique, même de suicide. Le taux de suicide des agriculteurs serait deux fois plus important.

En leur permettant de prendre du répit ou du repos, on agit préventivement, soutient Michel Gendreau qui a lui-même pratiqué l’agriculture pendant 20 ans, avant de travailler à titre de coopérant en Haïti et au Sénégal.

Il poursuit en disant qu’un producteur agricole ne peut être fatigué, épuisé, anxieux. «C’est encore tabou. Un producteur, c’est censé être un toff. Celui qui avoue sa fatigue est perçu comme un paresseux. Pourquoi les agriculteurs devraient-ils encore travailler 80 heures par semaine sans jamais prendre de repos?»

Michel Gendreau dit que l’organisation des services de remplacement permet aux producteurs de s’absenter en toute confiance.

Il croit aussi que la création d’une coopérative favorisera, par ailleurs, de meilleures conditions de travail pour les ouvriers agricoles. Et qu’elle pourrait stimuler le développement de cette main-d’œuvre, si difficile à recruter. Étant regroupés au sein d’une même entité, les agents de remplacement peuvent apprendre les uns des autres, dit-il.

Et puis, on a commencé à discuter sur la possibilité d’offrir, éventuellement, des formations professionnelles d’appoint pour les travailleurs agricoles, des cours qui pourraient être offerts à distance, plus faciles à conjuguer avec le travail.

Reconnu par le ministère de l’Éducation, dirigé par Simon Dugré, le CISA est un centre collégial de transfert technologique en pratiques sociales novatrices, rattaché au cégep de Victoriaville. Pour ce programme de services de remplacement, il a obtenu l’appui de partenaires comme le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Exportation, de Promutuel, du Centre d’emploi agricole de l’UPA du Centre-du-Québec et des coops des Bois-Francs et des Appalaches. On parle de ce programme comme d’un outil de gestion de risque.

Pour des informations, on peut communiquer avec le président Éric Houle (819 806-0654) ou encore avec Sylvain Dion (819 362-5551).

Quelques données issues du projet-pilote

 

65 196 $

La somme payée par les entreprises agricoles pour l’adhésion et les 4868 heures effectuées par les ouvriers de remplacement.

48%

Le pourcentage de producteurs agricoles ayant invoqué le surcroît de travail pour recourir aux services de remplacement.

29%

Le pourcentage d’entreprises ayant demandé de l’aide à la suite d’un accident, d’une maladie, d’un décès

8 sur 10

Le taux de satisfaction des producteurs concernant les qualités professionnelles et personnelles des agents de remplacement.

50%

Le pourcentage de producteurs estimant «indispensable» le service de remplacement. L’autre moitié des producteurs le juge «très utile».