Maladie mentale : ici, on «comprend mieux qu’ailleurs»

VICTORIAVILLE. Il vaut la peine de souligner la Semaine de sensibilisation aux maladies mentales, croit Julie Lépine, elle dont la bipolarité et la drogue ont rendu bien sinueux le parcours de sa vie. «C’est important de sensibiliser parce qu’il y a de plus en plus de troubles, avec le stress, la drogue, croit-elle. Mais je dirais qu’à Victoriaville, on comprend mieux qu’ailleurs ce qu’est la maladie mentale.»

Originaire de Longueuil, la jeune femme de 37 ans, ne réside à Victoriaville que depuis un peu plus d’un an, chez sa mère, Monique Croteau.

La maman, native de Warwick, a décidé de revenir dans sa région, après avoir vécu et travaillé à Montréal, Saint-Jérôme et Longueuil.

Maintenant à la retraite, Mme Croteau s’est rapprochée de membres de sa famille et a profité de l’occasion d’une maison à bon prix à Victoriaville. Un choix qu’elle ne regrette pas.

Une décision qui fait aussi le bonheur de Julie qui n’en revient pas des ressources offertes à des gens qui, comme elles, vivent avec un trouble mental.

Il n’y en avait pas dans son environnement longueuillois, dit-elle. Et il a fallu des années avant qu’elle obtienne un diagnostic et une médication appropriée. C’était il y a sept ans. Lors d’un séjour de trois mois à l’Institut Douglas. Là où on l’a observée. Où on a testé divers médicaments.

La rue, la violence

Ce serait un euphémisme que de parler des années tumultueuses de la vie de Julie… et de celles de sa mère par conséquent.

Julie a connu toutes les misères ou presque. Adolescente, elle se souvient de ses périodes de rébellion, de son envie irrépressible de défier l’autorité. Elle foxait ses cours pour consommer de la drogue. La fin de son adolescence a été ponctuée par une dépression.

Elle a connu la rue, le jour où sa mère, excédée par ses frasques, a fini par la mettre à la porte. Les comportements de Julie étaient étranges. Pendant un temps, elle a focussé sur les plantes, mettant de la terre partout dans la maison. Plus tard, alors qu’elle vivait seule dans un appartement, elle s’est mise ensuite à focusser sur les chats.

Julie a connu l’amour… et la violence conjugale et l’idée d’en finir lui est occasionnellement passée par l’esprit. Elle admet qu’elle ne voulait pas consulter. «Mais il faut le faire, conseille-t-elle. Et s’entourer de bonnes personnes.»

Son hospitalisation de trois mois a constitué un tournant dans sa vie. Pénible. Elle ne cache pas avoir replongé dans la dépression après ce long séjour qui lui faisait honte. Peu à peu, elle a commencé à se réorganiser, la médication atténuant les symptômes de sa bipolarité.

À L’Entrain, elle s’est inscrite au programme de réinsertion sociale. Elle aime se retrouver là, à s’occuper du ménage, de l’accueil. «On se comprend…»

Une fois par semaine, un infirmier du CLSC Suzor-Coté lui rend visite, chez elle. Elle a cessé de fumer, de consommer de l’alcool et s’efforce de manger mieux.

Elle se sent moins dépressive, voit régulièrement un psychiatre. A compris qu’il y avait une part d’hérédité dans sa maladie, son père étant aussi bipolaire.

Elle accepte de parler d’elle, de ses états d’âme. Aimerait pouvoir vivre en appartement un jour. Exprime sa reconnaissance envers sa mère, «toujours patiente, toujours présente».

Amoureuse des animaux, Julie a son chien, Vicky, et donne de son temps à la Société protectrice des animaux d’Arthabaska. Il y a les animaux et il y a les autres à qui elle veut faire vivre du bonheur, particulièrement attentive à sa jeune sœur et à son neveu.

«Faut accepter sa maladie mentale, mais ça prend du temps. C’est un long cheminement. Ça fait cliché de dire ça, mais il y a toujours une lumière au bout du tunnel.»

La jeune femme refuse de se faire photographier, surtout parce qu’elle a pris beaucoup de poids, une centaine de livres, dit-elle, après avoir tellement mangé ses émotions. «Au point de ne plus me reconnaître.»

Elle souhaiterait pouvoir occuper un emploi, mais la prise quotidienne d’une quinzaine de médicaments la handicape sérieusement.