Un «emblème» warwickois disparaîtra

WARWICK. Non seulement verra-t-on l’installation de nouveaux panneaux d’arrêt à l’intersection de la route de Saint-Albert et du rang 4 à Warwick. Mais on verra aussi disparaître cette allée d’arbres, longue de 1,4 kilomètre, bordant la route de Saint-Albert. «Ça m’arrache le cœur!», dit, d’emblée, Annie Champagne, propriétaire de la ferme Rochelet, sachant que ce brise-vent fait figure d’«emblème» pour Warwick.

Elle vient d’obtenir de la MRC d’Arthabaska l’autorisation d’abattre ces peupliers plantés en 1992 qui menacent la sécurité des automobilistes, la sienne lorsqu’elle travaille aux champs et qui gênent le rendement de certaines de ses cultures.

En un an, trois peupliers sont tombés, fait remarquer la productrice et le vent casse de nombreuses branches de ces arbres matures et fragilisés. Elle se souvient qu’un arbre tombé avait bloqué la circulation automobile.

Mme Champagne sait que la disparition de cette longue haie provoquera des hauts cris. «On dira que je suis la méchante productrice qui veut cultiver plus grand. Or, je ne cultiverai pas plus grand.»

Mme Champagne raconte que même des ingénieurs forestiers, craignant l’impact médiatique de cet abattage, n’ont pas voulu l’accompagner dans ses démarches pour obtenir l’autorisation de la MRC d’Arthabaska.

C’est d’ailleurs presque à l’arraché qu’elle l’a obtenue, ayant dû consulter plusieurs experts à La Pocatière et au ministère de l’Agriculture.

Une expérience… manquée

Elle explique qu’à l’origine, on avait implanté ce brise-vent expérimental en plantant érables et peupliers en alternance. À l’époque, il était prévu d’abattre les peupliers après 10 ou 15 ans, ce qui n’a pas été fait. De sorte que les peupliers, croissant plus rapidement, ont fait mourir les érables; il n’en resterait qu’une quarantaine.

Dans le rapport rédigé par le Groupe-conseils Agro Bois-Francs, l’agronome Stéphanie Duranceau explique que, «outre le fait qu’ils développent un système racinaire superficiel, les peupliers ont un port élevé ayant une forte prise au vent, les rendant plus vulnérables au déchaussement et à la casse par le vent. Afin de prévenir les risques de chute de branches sur les fils électriques, la route et même le champ, il est temps de procéder à l’entretien prévu de la haie brise-vent, soit l’abattage des peupliers hybrides. Des espèces plus solides ayant une croissance plus lente seraient plutôt recommandées.»

Et l’agronome suggère un plan de reboisement avec du chêne rouge, du chêne à gros fruits, de l’érable rouge, du noyer noir et du tilleul. «Je m’étais déjà engagée à reboiser», souligne Annie Champagne.

La productrice sait que l’abattage des peupliers, outre l’impact qu’il aura sur le paysage, découragera peut-être d’autres agriculteurs à planter des haies brise-vent. Elle en possède ailleurs sur sa terre, des brise-vent plus «intelligents», signale-t-elle, composés d’essences plus nobles que le peuplier.

La longévité du peuplier hybride n’est que de 15 à 25 ans, précise d’ailleurs l’agronome Duranceau dans son rapport. Elle énumère toute une série de raisons pour lesquelles les producteurs devraient d’ailleurs éviter cette essence peu adaptée aux écosystèmes du Québec et dont le bois a une faible valeur économique.

Le travail d’abattage devrait se faire cet automne, lorsque le sol sera gelé, précise la productrice laitière. Quant au reboisement, il se fera dès le printemps 2015. «Avec de nouveaux arbres qui pousseront plus lentement, je sais qu’il faudra des années avant de revoir un si haut brise-vent», déplore elle-même l’agricultrice.

L’agronome Duranceau précise, de son côté, que la conversion des espèces d’arbres «constitue un gain pour la municipalité de Warwick qui aura dorénavant une haie de feuillus nobles ayant une meilleure valeur pour la biodiversité et la beauté du paysage».