Lettre d’un directeur d’OBNL

Mes parents trouvent que je mets les peuples autochtones sur un piédestal. En fait, j’ai essayé de leur expliquer que quand dix personnes sont assises sur une personne, j’ai tendance à pointer du doigt la personne écrasée sous le poids de la majorité et que ça ne veut pas dire que je crois cette personne supérieure ou inférieure aux autres.

Ça veut juste dire que je me dresse devant l’injustice quand je la constate. Non pas que les premiers arrivants aient besoin de l’aide de Patrick Lajeunesse. Mais si je peux amener mon grain de sel afin d’ériger des ponts entre nos cultures, je dormirai tranquille. Car j’ai l’impression de porter le poids d’un génocide qui n’est pas reconnu par le gouvernement et qui l’est encore moins de la population. Je traîne la honte de mes ancêtres et des institutions qui ont essayé de tuer l’indien dans l’indien. On me dit que je ne devrais pas, que ça fait longtemps et que c’était de la faute des dirigeants. Mais je ne peux dissocier l’histoire de mon peuple de la mienne.

Ma démarche en est aussi une de quête d’identité. Ça fait plusieurs années que je me demande «C’est quoi être Québécois»? Il faut parler français? Simplement vivre sur le territoire? Manger de la poutine? Vivre ici depuis cinq générations?

Dans mon enfance, j’ai beaucoup côtoyé les Haïtiens et les Italiens à Montréal. Ensuite, j’ai découvert le Mali durant quatre mois. Avant ça, j’avais fait la moitié de mon cinquième secondaire en Suède et en 2000 j’ai passé un an en France. Mais je ne connaissais absolument rien de ceux qui furent là bien avant nous, ici au Québec.

Ma quête d’identité, mon désir de me rapprocher des premières nations, c’est pour comprendre qui je suis, d’où je viens, qui sont mes frères et sœurs qui partagent le même territoire que moi et dont je ne pouvais nommer les onze nations il y a quelques mois. Mon intérêt est purement humain.

C’est un désir de rassembler les gens pour créer le dialogue, à travers la musique et la parole. Non pas un dialogue consensuel entre gens de même culture et tous du même avis. Non. Un dialogue entre gens qui ne se sont pas parlé depuis bien trop longtemps. Les livres d’histoire nous parlent des «indiens» comme de quelque réalité du passé. Mais qui sont les Abénakis, les Malécites, les Innus, etc. d’aujourd’hui? Nous connaissons mieux Marie-Mai que notre voisin. Il y a là un grand danger de désordre social, selon moi. Garder le contact, créer des ponts, entretenir le dialogue sont là des outils pour assurer la paix et vivre ensemble harmonieux.

Alors à mes chers parents, je réponds que je ne mets personne sur un piédestal. Il y a des Algonquins arnaqueurs comme il y en a chez les Québécois francophones. Il y a de la corruption au sein de certains conseils de bande comme il y a en a au gouvernement provincial. Je souhaite que l’on sorte des comparaisons. Que l’on cesse de regarder l’autre pour ce qu’il vaut comme marchandise sociale. Je souhaite que l’on commence à se regarder comme de simples humains vivants sur un même territoire. Et comprenez-moi. Je ne suis pas si utopiste que cela. Des conflits, il y en a et il y en aura encore. Entre nous, entre nations et cultures… chacun cherche à tirer sur son bord de couverture. C’est vieux comme le monde. Mais comme le dit si bien cette phrase de La Guerre des Tuques : «La guerre, la guerre, c’est pas une raison pour se faire mal».

Enfin voilà. Je ne suis pas un sauveur. Je ne me prends pas pour Jésus. Je suis un simple citoyen qui se sent appelé par l’amour. Par l’amour de la nature et de notre nature commune. Cette même nature qui a besoin de reconnaissance, de s’émanciper, de se sentir utile et entourée.

Je suis de ceux, naïfs ou non, qui croient à un monde plus harmonieux. Et pour cela, je crois qu’il faut laisser tomber les idées reçus et s’accueillir soi-même pour mieux accueillir l’autre. Ceux qui me connaissent diront «cordonnier mal chaussé» moi qui suis si anxieux et émotif. Mais j’y travaille et je n’attendrai pas d’atteindre le Nirvana pour être dans l’action et mettre l’épaule à roue. Je vous parle du cœur, car c’est mon cœur qui fut blessé dernièrement. On voudrait tout faire parfaitement, mais il y aura toujours des mécontents. Et c’est à ceux-ci que j’aimerais dire que le chemin est aussi important que la destination et que seul le dialogue sincère et ouvert permet de surmonter les petits obstacles dans nos relations.

À tous, merci de suivre les projets de Partenaires pour la Paix. Ils sont la création d’une superbe équipe composée de Laureat Moreau (président), d’Anne Beaumier (vice-présidente) de Dominique Lebeau (administrateur), de Viviane Michell (administratrice) et de Francis Poulin (secrétaire-trésorier). Et votre humble serviteur qui joue le rôle de directeur.

Nous sommes un très jeune organisme à but non lucratif et nous avons encore beaucoup à apprendre. Mais nous souhaitons le faire avec vous. Si bien que vos commentaires et suggestions sont toujours les bienvenus. L’année à venir nous offre de grands défis et nous envoyons, telle une bouteille à la mer, notre souhait de voir s’émanciper l’organisme afin de poursuivre notre mission qui est la suivante : «rassembler les artistes de diverses cultures et nations à travers la collaboration artistique, afin de favoriser le dialogue et le rapprochement entre les peuples et ainsi promouvoir la paix à travers notamment des enregistrements musicaux, des spectacles, des événements et des rassemblements». Ce qui veut dire que Partenaires pour la Paix pourrait aussi bien faire des projets, dans l’avenir, entre anglophones et francophones, entre Israëliens et Palestiens etc.

J’ose espérer que ces quelques mots vous auront dépeint mes motivations personnelles à m’engager dans une voix qui n’est pas toujours facile, mais qui me semble être le seul sentier menant à la paix.

Sincèrement vôtre,

Patrick L.

www.partenairespourlapaix.org