Là où palpite la mémoire d’une femme de lettres

VICTORIAVILLE. Ah, ce qu’on aimerait pouvoir faire revivre Marthe Lemaire-Duguay (1886-1979), cette artiste et poète, rédactrice et journaliste qui, après le décès de son mari, Camille Duguay (1936), a dirigé La Voix des Bois-Francs, hebdomadaire victoriavillois aujourd’hui disparu. On lui demanderait de parler de cette maison qui a abrité le journal, sise au 371, rue Notre-Dame Est.

Plus il fouille les livres et les archives, plus son propriétaire, Gilles Pagé nage dans la confusion. Quand donc a été construite cette maison de briques et de bois? Jusqu’à tout récemment, il la croyait centenaire.

Elle le serait presque si l’on se fie au rôle d’évaluation de la Ville de Victoriaville, qui lui attribue l’année 1928 comme date de construction. Pourtant, en 2002, la même Ville de Victoriaville s’adressait aux propriétaires – Gilles Pagé et son collègue Pierre Pépin – attribuant une valeur patrimoniale «forte» à la maison dont on faisait remonter la construction à 1943!!!

Dans à peu près tous les ouvrages qu’a fait paraître la Société d’histoire et de généalogie des Bois-Francs, on associe cette maison à deux étages au site du journal La Voix des Bois-Francs fondé justement en 1928 par Camille Duguay. Dans les livres, on voit même une photo de la maison arborant l’enseigne du journal. Certains textes – dont un très récent paru dans Victoriaville une histoire à se raconter page 399 – campent l’hebdomadaire au 339, rue Notre-Dame Est, suscitant une kyrielle de questions. Plus fiable toutefois serait cette information contenue dans une copie du journal datant de 1959, où on le situe au 369.

Ce qui trouble aussi Gilles Pagé, c’est qu’il n’a pas repéré les noms de Camille Duguay et de son épouse Marthe Lemaire dans le registre des immeubles, comme si le couple n’avait jamais été propriétaire de la maison.

Il est toutefois certain et cela ravit le psychologue de penser que Marthe Lemaire-Duguay, cette femme de lettres, qui a fait battre le cœur des arts et de la culture à Victoriaville, ait pu écrire dans sa maison. Là, probablement dans ce bureau à l’étage où la lucarne offre un large rebord de fenêtre, un lieu paisible où l’on a envie de lire, de méditer, de contempler. Est-ce là qu’elle a écrit ses ouvrages Tout en causant, À propos d’éducation et L’œil à la fenêtre?

Respect et cachet

Gilles Pagé parle de sa propriété avec tout autant de respect pour les lieux que pour la mémoire et l’âme de Marthe Lemaire et de son mari Camille, poète, baryton, journaliste qu’elle a connu au journal La Parole de Drummondville d’où elle était d’ailleurs originaire.

Il faudra la mémoire de ceux qui l’ont connue et côtoyée pour savoir pendant combien d’années, exactement, l’hebdomadaire créé en 1928 et qui s’est tu en 1969, a été conçu au coin des rues Notre-Dame Est et De Courval?

Ces années-ci, petit train va loin, Gilles Pagé, seul propriétaire de la maison depuis cinq ans, a entrepris un laborieux travail de restauration, s’apprêtant à l’habiter après y avoir travaillé en compagnie de 14 autres psychologues.

En 1987, en effet, c’est le psychologue Pierre Pépin qui avait eu un coup de cœur pour cette maison à l’architecture si particulière, avantageusement située à proximité du centre-ville, pouvant loger plusieurs bureaux. M. Pépin l’avait acquise avec Gilles Pagé et s’était alors créé le Centre de services psychologiques, première clinique du genre à Victoriaville, note M. Pagé, natif de Grand-Mère, installé à Victoriaville depuis 35 ans.

Depuis 1987 donc, la maison n’avait plus servi de lieu de résidence. Gilles Pagé a acquis, en 2009, la part de Pierre Pépin, ayant le projet de l’habiter avec sa conjointe tout en y conservant sa pratique. D’ailleurs, une de ses collègues, France Pilote, a toujours son bureau de consultation à l’étage.

Journaux et crin de cheval

Au fur et à mesure que M. Pagé redonne vocation résidentielle à la maison, il va de découverte en découverte. Du crin de cheval dans les rebords de fenêtre… et, justement, des pages de La Voix des Bois-Francs comme matériau d’isolation dans les murs.

Après avoir restauré l’extérieur, patiemment, à l’intérieur, M. Pagé retourne aux sources, découvre le bois des planchers, admire le travail des plâtriers de jadis, les courbes que font les murs. Il y imagine Marthe Lemaire occupée à écrire ou à parler avec son ami Lucien Daveluy, à échafauder les projets de Société musicale Les Variétés artistiques et la Troupe du Gay Théâtre qu’elle a contribué à mettre sur pied et à préparer la programmation des Disciples de l’art dont elle a été la présidente.

Marthe Lemaire-Duguay et son époux Camille figurent à la galerie de portraits Visages du siècle que publiait Alain Bergeron pour L’Union en 1999. La plupart des informations concernant les personnages proviennent d’ailleurs de cette publication.