La jubilation des conservateurs face au massacre de civils palestiniens

Il pleut sur Gaza, il pleut des bombes et du feu, il coule du sang aussi… Mais ce drame génocidaire est loin d’être camouflé, en Israël comme au Canada, on le célèbre et on s’en vante. Il y a quelques jours encore, le Parti conservateur annonçait avec fierté qu’il soutenait les attaques menées par l’État d’Israël tout en tentant de discréditer ses adversaires politiques. Il pleut des bombes sur Gaza, disons-nous, et les conservateurs s’en réjouissent et s’en servent pour accroître leur capital politique.

Si graves soient les crimes commis, peu importe le nombre de civils, voire d’enfants massacrés, le Saint-Parti conservateur réussit à miser sur l’élan de mort pour faire des gains en popularité. C’est sur la haine que nos élus, en bons chrétiens, édifient leur miroir afin de jouir fièrement de leur propre image.

Une question mérite d’être posée : comment se fait-il qu’un bain de sang, une abomination, puisse servir de point d’appui politique? Comment expliquer la popularité d’une telle prise de position de la part d’un parti qui caresse tendrement l’Église d’un certain Jésus? Tentons une explication : c’est par la diffusion d’un discours de peur que les démagogues de droite (et surtout la droite conservatrice) ont réussi à transformer un atroce massacre en jubilation sécurisante. Notre piste, nous la devons au sociologue américain Barry Glassner, auteur du livre «The Culture of Fear».

Commençons par présenter quelques thèses de monsieur Glassner qui, à l’occasion de l’écriture de son livre, s’est transformé en scientifique multidisciplinaire (psychologie, anthropologie, histoire et bien sûr, sociologie) afin de théoriser sa fameuse théorie de la culture de la peur. La première thèse que nous retiendrons est qu’une population effrayée est prête à accepter à peu près n’importe quoi, tant que cela permet de la rassurer.

C’est ce qui est notamment arrivé avec le terrorisme à la suite des attentats du 11 septembre 2001, en surmédiatisant et en exagérant le réel potentiel du terrorisme, les élites politique et médiatique de plusieurs pays, dont le Canada, ont produit un climat de méfiance surtout dirigé vers les communautés arabes, maghrébines et perses. Cette peur collective, issue du trauma du 11 septembre 2001, a permis à certains «héros» de surgir en tant que sauveurs, c’est le cas du Parti républicain chez nos voisins du sud et du Parti conservateur au Canada. Le truc est assez facile : la population, déboussolée par la peur, cherche une solution rapide. Or, le Parti apparaît et propose des placebos qui, sans régler le fond du problème, endorment les consciences et permettent de guider en bon berger.

Dans un passage intéressant de son livre, Glassner démontre que la plupart du temps, aux États-Unis, plus l’indice de menace terroriste était élevé, plus le taux de confiance envers le gouvernement était, lui aussi, élevé. Le sociologue de la peur fait aussi ressortir une anecdote assez croustillante en ce qui concerne la campagne de réélection du parti républicain en 2004. Cette anecdote concerne le républicain Tom Ridge (secrétaire à la défense intérieure de 2003 à 2005) qui, apparemment, aurait été en proie à une certaine pression de la part de l’administration Bush afin de hausser l’indice de menace terroriste durant la campagne électorale.

La seconde thèse que nous retiendrons de Glassner est que l’on peut se servir de la panique, directement issue du climat de peur, afin de renverser les rapports de cause à effets logiques. Le sociologue américain prend l’exemple de la hausse de la consommation du crack dans les années 80 qui survient en même temps qu’une hausse de la pauvreté des ménages et la multiplication du nombre de sans-abris. Alors qu’un individu rationnel établirait facilement la cause de la hausse de la consommation de crack dans la hausse de la pauvreté, les conservateurs de Reagan, encore une fois aidés par l’emphase des médias sur le phénomène du crack, expliquèrent que c’était l’inverse, les gens étaient pauvres parce qu’ils consommaient plus de crack…

Le résultat de cette manipulation de la vérité : des milliers de gens incriminés pour des crimes en liens avec les stupéfiants, des milliards de dollars investis dans le système juridique, dans les prisons et dans la police, le tout pour un résultat positif minime sinon inexistant. Il y a fort à gager qu’une juste répartition des richesses et une approche différente du problème de la toxicomanie auraient produit des effets plus concrets et fort probablement moins coûteux, néanmoins, cela aurait choqué la morale conservatrice et les intérêts bourgeois auraient été menacés.

Dans le cas qui nous intéresse, l’inversion du rapport cause à effet est encore plus pernicieuse, l’élite conservatrice a rejeté la faute du terrorisme sur l’ensemble d’une communauté, voire de plusieurs ethnies. Toutefois, s’il y a terrorisme de la part d’intégristes musulmans, il faut aussi cesser de se cacher que les plus grands terroristes, ce sont les nations impérialistes qui ont fait couler le sang en Irak comme en Afghanistan et en Palestine. Le terrorisme des opprimés est une réponse au terrorisme des oppresseurs, voilà une vérité que les conservateurs ne veulent pas entendre en faisant débuter l’histoire du terrorisme le 11 septembre 2001 alors que bien avant ce tragique événement, le sang coulait déjà à flots au Moyen-Orient.

C’est donc en utilisant la peur que les conservateurs ont réussi à créer un oppresseur épouvantail en face duquel ils apparaissent comme les «sauveurs du peuple». Cette posture, toute à leur avantage, leur permet aujourd’hui d’éprouver une grande fierté et une certaine joie face à un massacre qu’ils continuent à entretenir. Pour terminer, rappelons-nous que là où il y a peur, la haine n’est jamais bien loin et qu’une politique qui cherche à enraciner la peur est donc une politique de haine.

William Fortier

Victoriaville