Sébastien Girard évite la prison

VICTORIAVILLE. Près de cinq ans plus tard, le réputé musicien Sébastien «Bob» Girard peut tourner la page sur le long processus judiciaire. En matinée jeudi, la juge Guylaine Tremblay de la Cour du Québec l’a condamné à une peine d’emprisonnement de 12 mois à purger dans la collectivité. Âgé de 35 ans, il évite ainsi le centre de détention.

Sébastien Girard avait été déclaré coupable, au début de juillet, d’attouchements sexuels survenus entre le mois d’août 2001 et le printemps 2004 et d’une agression sexuelle unique commise en octobre 2004.

Au moment des faits, aucune peine minimale ne s’appliquait, ouvrant ainsi la porte à une peine dans la communauté. La peine maximale d’emprisonnement à l’époque était de cinq ans.

Même si l’incarcération est généralement priorisée dans les cas d’infractions à caractère sexuel concernant les personnes mineurs, la juge a précisé qu’en raison des enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Proulx, la Cour devait envisager sérieusement la possibilité de prononcer l’emprisonnement avec sursis.

En imposant la peine, la présidente du Tribunal a notamment évoqué «l’immaturité» de l’accusé. «Vu son âge au moment des faits, son immaturité et son expérience, il ne mesurait pas l’ampleur des conséquences de ses actions et de sa responsabilité sociale, a indiqué la juge Tremblay. Ce cas est l’un des cas particuliers où, dans les plateaux de la balance des éléments à soupeser le besoin de dénonciation et de dissuasion est égalé par l’individualisation de la peine eu égard au degré de responsabilité du délinquant, d’où ma décision de permettre à M. Girard de purger sa peine dans la collectivité.»

Le Tribunal a ainsi évalué que l’imposition d’une peine dans la collectivité assortie de conditions privatives peut être une peine adéquate, selon les circonstances. «M. Girard n’enseignera plus et devra se réorienter ce qui n’est fait que partiellement… Il doit maintenant vivre avec l’étiquette d’agresseur sexuel dans une communauté restreinte où il jouissait jusqu’à la dénonciation d’une réputation enviable. Il paie un lourd tribut», a souligné la juge Tremblay.

Elle a rappelé que le prononcé d’une peine se voulait un processus individualisé, qu’il fallait éviter de tomber dans l’excès en imposant des peines de plus en plus sévères pour répondre aux critères de dénonciation, d’exemplarité et de dissuasion générale.

La juge a considéré l’absence d’antécédents judiciaires et son faible risque de récidive. «Il a abordé, rendu possible et entretenu sa relation avec la victime, faisant fi de l’âge et du contexte de confiance et d’autorité, ce qui, a dit la juge, soulève davantage de questionnements quant au discernement et au degré de maturité que de questionnement sur une problématique ou une déviance sexuelles.»

La Cour a aussi fait valoir que l’accusé a exprimé ses excuses à la victime et à la famille pour les torts causés. Des torts considérables. «La victime est meurtrie… Elle sent qu’elle a été utilisée, manipulée et trahie. Elle a vécu une période de détresse jusqu’à la dépression… Elle conserve des séquelles traumatiques. Il y a lieu, a souligné la juge, d’espérer que la prise de pouvoir sur sa vie par la dénonciation des actes qu’elle a subis et son passage à la Cour lui permettent de tourner la page et d’apaiser ses tourments.»

La juge Tremblay fait remarquer aussi que «l’accusé a été l’initiateur de la relation avec la victime, relation qu’il a marquée du sceau du secret… Même en l’absence de menaces et de violence physique, à la lumière des conséquences vécues par la victime, il y a lieu de conclure à une forme de violence psychologique».

La juge a considéré comme facteurs aggravants ces séquelles psychologiques, tout comme l’âge de la victime, la situation de confiance, de même que le nombre élevé d’événements et leur caractère très intrusif.

Des conditions à respecter

Durant les six premiers mois de sa peine, Sébastien «Bob» Girard devrait demeurer en tout temps à son domicile, 24 heures sur 24, sauf, entre autres, aux fins de travail, pour des raisons médicales et pour l’achat de biens essentiels, une fois par semaine pour une période de trois heures.

Pour les six mois suivants, il devra observer un couvre-feu entre 20 h et 6 h.

Sébastien Girard ne peut communiquer avec la victime et ses proches. Il sera soumis à une période de probation de deux ans et son nom figurera à perpétuité au registre des délinquants sexuels.

Des réactions

La procureure aux poursuites criminelles et pénales, Me Ann Marie Prince, qui réclamait une peine de détention ferme de 18 mois, estime que la juge a évalué avec minutie les facteurs aggravants et atténuants. «Dans ce genre de cas, la jurisprudence tend à donner des peines d’incarcération ferme. Cependant, la juge a estimé qu’il s’agissait d’un cas particulier dans lequel l’individualisation de la peine rejoignait de manière assez équivalente les critères de dénonciation et de dissuasion», a commenté Me Prince.

«Mais, a-t-elle ajouté, il ne faut pas perdre de vie qu’une peine dans la collectivité représente tout de même une peine d’incarcération associée à des conditions très restrictives.»

De son côté, l’avocat de Sébastien Girard, Me Ronald Robichaud, croit qu’il s’agit d’une sentence appropriée. «L’âge de mon client, 22 ans à l’époque des délits, est un des éléments importants dans la décision. Il était toujours aux études à l’Université Laval et il occupait un emploi de remplacement d’un professeur. Je pense que c’est une sentence justifiée dans les circonstances», a-t-il souligné, tout en se disant convaincu que son client accueille la décision avec soulagement. «Il regrette ce qu’il a fait. Et aujourd’hui, les circonstances ont fait qu’il est devenu beaucoup plus mature», a confié Me Robichaud.