Payer pour représenter son pays

JEUX PARALYMPIQUES. L’athlète en fauteuil roulant, Charles Moreau, était là. Durant toute la journée samedi, il était au IGA Raymond Martin pour son lave-o-thon avec lequel il espérait récolter les 7000 $ dont il avait besoin pour se payer une fourche en carbone pour les Jeux paralympiques. À la fin de la journée, il avait amassé 5500 $. Le reste de la somme, il la payera de sa poche. Encore.

Bien qu’il soit l’un des meilleurs de son sport, Charles Moreau doit payer pour représenter son pays. Il participera à l’épreuve du contre-la-montre et à la course sur route. Pour la première discipline, son vélo lui a coûté 14 000 $. Pour la seconde discipline, son équipement a nécessité un investissement de quelque 20 000 $.

«L’équipe canadienne ne paye pas pour les autres. Pourquoi payerait-il pour moi», a lancé l’homme de 34 ans. Depuis le début de sa carrière en paralympique, il estime ses dépenses à 60 000 $. Devenu paraplégique à la suite d’un accident de voiture en janvier 2008, l’argent qu’il reçoit de l’Assurance automobile du Québec (SAAQ) après son accident aide à payer une partie de sa carrière d’athlète.

S’il décroche l’or aux Jeux paralympiques, Moreau sait qu’il ne pourra jamais recevoir assez d’argent de la part de commanditaires pour espérer s’entraîner et ne plus avoir à se soucier de faire des campagnes de financement.

«Même si je finis par être premier, je vais peut-être recevoir 30% de ce dont j’ai besoin», dit-il à propos de la somme d’argent qu’il réussirait à récolter avec des commanditaires afin de payer les frais liés à son entraînement.

Il le sait, car d’autres avant lui sont déjà passés par là. En résumé, les campagnes de financement deviennent capitales, et ce, peu importe les résultats qu’il obtiendra dans quelques semaines.

Convaincre le ministre

Au début de sa carrière en paralympique en 2009, Moreau était un athlète en paratriathlon et c’était pour des raisons financières qu’il s’est tourné vers le paracyclisme quatre ans plus tard.

Les raisons financières auxquelles il a fait mention à quelques reprises dans les médias sont simples. Les athlètes en paratriathlon ne recevaient pas d’aide de la part du gouvernement puis que cette discipline ne figurait pas, à l’époque, aux Jeux paralympiques.

Par contre, ce que l’histoire ne révèle pas, c’est qu’en 2010, alors qu’il était un paratriathlète, il a dû convaincre le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport qu’il était un véritable athlète admissible au crédit d’impôt.

Les athlètes classés excellence et élite ont un crédit d’impôt de 4000 $ tandis que ceux qualifiés de la relève ont 2000 $ de moins.

À force de ténacité et de persévérance, il a finalement obtenu son crédit d’impôt d’excellence au niveau provincial. Mais ce crédit d’impôt, Moreau ne l’a eu qu’en 2010. Les nombreux changements au sein du gouvernement ont fait en sorte qu’il n’a pas été en mesure de le recevoir en 2011 et en 2012.

Pourtant, il avait encore une fois obtenu d’excellents résultats lors de ses compétitions. C’est alors qu’en 2013, il a décidé de devenir paracycliste et, cette fois, il a eu son brevet élite, mais uniquement pour la moitié de l’année puisqu’un autre athlète n’était plus en mesure de le recevoir.

Réellement un meilleur soutien technique?

Les performances du Victoriavillois sont excellentes depuis 2015. Il a terminé troisième à deux reprises au contre-la-montre lors des Coupes du monde en plus de ses troisièmes places aux Jeux Parapanaméricains au contre-la-montre et en course sur route. Plus tôt cette année, il est monté sur la plus haute marche du podium lors d’une Coupe du monde au contre-la-montre et il a aussi pris le quatrième échelon à la course sur route.

Tout ça a fait de lui un espoir de médaille pour les Jeux paralympiques.

Résultat, il a pu bénéficier d’un meilleur soutien technique de la part de l’équipe canadienne de paracyclisme. Or, il a constaté que ce soutien technique n’était pas très différent de celui que recevaient déjà les autres athlètes canadiens.

«Ce n’est pas si hot que ça», s’est contenté de dire Moreau, qui sait qu’il ne faut pas mordre la main qui le nourrit.