L’homme à cheval obtient gain de cause en Cour

JUSTICE. Défendu par Me Guy Boisvert, l’homme à cheval, Jean Roy, celui qu’on voit circuler régulièrement à Victoriaville, a obtenu gain de cause en Cour du Québec, mercredi. Sa cause a été entendue très tard dès 18 h et son dénouement est survenu vers 19 h 45 quand le juge Bruno Langelier a conclu que le Tribunal n’allait pas imposer la condition litigieuse, celle qui interdisait au cavalier urbain de se trouver à la Vélogare de la Place Sainte-Victoire.

Là même où tout a commencé, dimanche soir, là où l’homme de 55 ans s’est présenté à cheval lors d’un concert extérieur et où il a été arrêté pour entrave au travail des agents de la paix et de bris de conditions.

Refusant de signer une promesse assortie de conditions, Jean Roy a été détenu. Mais les parties, lundi, ont consenti à sa remise en liberté moyennant certaines conditions de garder la paix et de ne pas se trouver à la Vélogare tout en acceptant de soumettre ces conditions à un juge pour qu’il statue sur ce cas.

Ce qu’a fait d’ailleurs le juge Bruno Langelier en renvoyant, en quelque sorte, la balle au législateur, aux élus municipaux.

«Il appartient aux élus de statuer, a-t-il exposé. Et s’il y a urgence, qu’ils procèdent à la règlementation nécessaire. Il appartient aux élus d’adopter des règlements et ensuite aux agents de la paix de les appliquer.»

En analysant la preuve qui lui a été présentée, le magistrat a estimé qu’aucune preuve ne démontrait que Jean Roy avait perturbé les gens présents au concert.

D’ailleurs, le juge a pu visionner une vidéo lors de l’intervention policière. «Le cheval a l’air très paisible, il broute dans la pelouse. Le Tribunal est loin de constater que M. Roy constituait une nuisance», a-t-il exprimé.

De plus, le magistrat a pris connaissance du récent article d’Hélène Ruel dans La Nouvelle Union au sujet de la règlementation municipale concernant la circulation des chevaux en milieu urbain. «L’actuel règlement date de 1994. Il permet la circulation des chevaux. En fait, on n’y retrouve que deux articles, l’un concernant les crottins à ramasser et l’autre stipulant de ne pas laisser un cheval sans surveillance. On ne retrouve donc que peu de règlementation pour encadrer le déplacement à cheval, autant dire qu’il n’y en a pas», a fait remarquer le juge Langelier.

Les débats

Le représentant de la poursuite, Me Jean-Philippe Garneau, a rappelé les événements qui ont mené à l’arrestation, dimanche soir, de Jean Roy.

Il a fait état aussi de la quinzaine d’appels reçus à la Sûreté du Québec depuis le mois de mai signalant la présence d’un homme à cheval.

Me Garneau a cependant reconnu qu’un individu pouvait circuler à dos de cheval, que ce geste n’était pas illégal.

«Le règlement municipal souligne qu’on peut circuler à cheval dans les rues, les parcs, les trottoirs», a renchéri, en défense, Me Guy Boisvert, tout en remettant au juge Langelier une copie de l’article du journal La Nouvelle Union, un texte dont avait déjà pris connaissance le magistrat.

Me Boisvert a aussi fait entendre son volubile client qui a qualifié son cheval de «très sécuritaire», autant, a-t-il soutenu, que ceux de la GRC qui participent à des émeutes. «Je suis entièrement responsable avec mes chevaux qui ont besoin de socialiser, a-t-il noté. Et ils sont très sécuritaires. Ils font le bonheur des gens de Victoriaville. C’est un plus pour la ville.»

Jean Roy a dit comprendre une certaine inquiétude des gens. «Je ne veux pas partir en guerre avec les autorités. Je veux qu’on puisse discuter et en venir à une entente. Je veux démontrer qu’on ne doit pas avoir peur d’un cheval.»

Depuis environ deux ans, a-t-il dit, il circule à Victoriaville à cheval et il cumule une cinquantaine, voire 75 constats d’infraction qu’il conteste tous. «Je pense qu’en ville, il y a quelqu’un qui pense que Jean Roy est une pomme pourrie», avance-t-il pour expliquer ce nombre si élevé de contraventions.

«Pas moins de 75 tickets, avez-vous un problème avec la règlementation M. Roy?», a questionné le procureur du ministère public. «Non, aucun problème. Je respecte les lois, a-t-il répondu. J’ai un problème avec les gens qui font leur loi, surtout quand c’est les représentants de la loi.»

Interrogé encore sur le danger que peut représenter son cheval dans une foule s’il venait à prendre le mors aux dents, le quinquagénaire a rétorqué qu’en une quarantaine de présences en ville à cheval, il n’y a eu aucun accident à ce jour.

Devant un homme qui, selon lui, semble éprouver un certain problème avec l’autorité, le procureur aux poursuites criminelles et pénales a souhaité que les conditions imposées soient reconduites. «On veut éviter un drame. On veut que ça cesse, qu’il ne se présente pas au lieu des infractions. Il utilise son cheval simplement pour provoquer», a plaidé Me Garneau.

«Ça provoque ceux qui n’aiment pas les chevaux», a répliqué, en défense, Me Guy Boisvert, faisant valoir la société de droit dans laquelle on vit. «Dans une telle société, il y a des règlements. Les citoyens doivent s’y conformer. On arrête les individus qui commettent des infractions. Mais dans le présent cas, a soutenu Me Boisvert, mon client n’a pas nui, n’a pas dérangé. Il n’a pas dérangé la quiétude des quelque 250 personnes qui assistaient au concert. On n’a aucune preuve de cela. Il n’a commis aucune infraction, n’a pas troublé la paix. Il ne méritait pas la détention. Il méritait une remise en liberté immédiate.»