Deux visions diamétralement opposées pour Geneviève Lemay

VICTORIAVILLE. À l’origine de la collision qui a coûté la vie, le 19 janvier 2013, à son fils de 10 ans en plus de causer des lésions à trois autres personnes, Geneviève Lemay, une ancienne Princevilloise qui demeure à Saint-Léonard-d’Aston, connaîtra, le 21 septembre, le sort que la justice lui réserve.

En janvier, l’accusée, âgée de 37 ans, a reconnu sa culpabilité à des accusations de conduite avec plus de 80 mg d’alcool par 100 ml de sang causant la mort et des lésions.

Au palais de justice de Victoriaville, lundi matin, le juge Bruno Langelier a entendu les arguments du ministère public et de la défense.

Premier à s’adresser au magistrat, le représentant de la poursuite, Me Anthony Cotnoir, a réclamé une peine de 36 mois de pénitencier et une interdiction de conduire pendant 5 ans.

Le procureur a fait valoir qu’il aurait suggéré une peine moins sévère si l’accusée n’avait pas été arrêtée une seconde fois en avril 2015 à Drummondville.

Alors qu’elle était en attente de sentence, Geneviève Lemay a, de nouveau, arrêtée, son taux d’alcoolémie affichant 194 mg, soit plus de deux fois la limite légale.

Au départ (avant le second événement), la poursuite avait l’intention de demander une peine se situant au bas de la fourchette, en raison de l’absence d’antécédent et de son dossier de conduite vierge. «Elle avait reçu une partie de sa peine avec le décès de son fils. On pensait qu’elle avait eu sa leçon et qu’elle avait compris les dangers de la conduite avec les capacités affaiblies. Mais c’était une erreur, a plaidé Me Cotnoir. Dans les faits, elle a démontré avec grande éloquence qu’elle n’a rien compris. Elle a persisté. Manifestement, elle n’a montré aucun respect envers ses conditions. Elle a décidé de prendre un coup, ce qui lui était interdit. Elle a décidé de prendre le volant, ce qui lui était interdit. Le Tribunal doit donc insister sur la dissuasion et la dénonciation d’un tel comportement.»

Un cas de détresse

D’entrée de jeu, l’avocat de Geneviève Lemay, Me Guy Boisvert, a fait part de la participation de sa cliente à certains programmes, tout en insistant sur l’important principe d’individualisation de la peine.

«Chaque cas est un cas d’espèce, a-t-il noté. Et pas un cas ne peut se calquer sur celui de Mme Lemay.»

Concernant la funeste collision, Me Boisvert a fait valoir que le taux d’alcoolémie de sa cliente, 93 mg, n’était pas «exagérément élevé», précisant aussi les conditions routières et climatiques difficiles. «Ma cliente reconnait qu’avoir consommé peut avoir diminué ses réflexes, mais estime qu’en raison des conditions de la chaussée, l’accident aurait pu survenir même sans consommation», a-t-il ajouté.

L’avocat a fait part de l’état de détresse de l’accusée qui, six mois avant la collision, a perdu une petite fille de la mort du berceau. «Subir la perte d’un enfant constitue un événement hautement tragique. On ne lui a offert que cinq suivis psychologiques, c’est tout!», a indiqué Me Boisvert,

Selon lui, Geneviève Lemay avait bu quatre bières et avait décidé de prendre la route pour aller se faire remonter le moral auprès d’une amie à Victoriaville.

«L’état d’esprit peut être un facteur atténuant. Nous sommes en présence d’une dame en détresse, a exprimé Me Boisvert. Il faut considérer aussi que la victime principale est son fils. Elle se sait responsable. Elle en subit les conséquences. Elle est la première à en souffrir. Peu importe la sentence, elle ne sera pas aussi sévère que celle qu’elle s’impose à elle-même.»

À la suite de la tragique collision, l’accusée a été suivie par un psychiatre, puis par un psychologue. «Mais depuis octobre 2014, elle n’a plus aucun suivi offert par la SAAQ (Société de l’assurance automobile du Québec). Elle se retrouve en détresse, sans ressource», a soutenu le criminaliste.

Cet état de détresse, selon lui, explique sa récidive concernant l’alcool au volant. «Son comportement compulsif est lié à son état de vulnérabilité. Ses épisodes de consommation sont circonstanciels, lit-on dans un rapport présentenciel. Elle a besoin d’aide pour parfaire son cheminement. La prison n’est pas appropriée pour ça. Et la détention n’est pas nécessaire pour protéger le public», a soutenu Me Guy Boisvert.

«Elle a besoin d’aide, a-t-il insisté. C’est une détresse qui est exprimée par ses comportements. L’incarcération sur une longue période ne l’aiderait pas à se reprendre en main.»

Expliquant que la mère de l’accusée se montre disposée à l’accueillir chez elle à la suite d’une remise en liberté, Me Boisvert a fait valoir, au juge Langelier, qu’une peine de 90 jours de prison à purger de façon discontinue lui apparaît raisonnable tout en rencontrant les fins de la justice.

Il suggère aussi une interdiction de conduire pour une durée de quatre ans.

Avant la fin de l’audience, Geneviève Lemay a fait part de sa profonde tristesse au président du Tribunal. «Il s’agit d’une situation d’une grande tristesse, j’en suis profondément convaincu, a confié le juge Langelier. Je vous invite à continuer à aller chercher de l’aide, peu importe ma décision. Il fait éviter de redevenir un danger pour la société. Demeurez forte pour passer à travers tout ça.»

«Elle a changé»

Johanne, la maman de Geneviève Lemay, a accepté de s’adresser aux médias à la sortie de la salle d’audience.

Elle avoue avoir hâte que toute cette histoire se termine et affirme que sa fille a changé. «Avec les thérapies et les ateliers, elle a compris. Elle a changé et on constate qu’elle est plus sereine», a-t-elle souligné, précisant qu’elle-même réussissait à tenir bon, et le papa également.