Une façon de visiter le Québec

CHÂTEAUGUAY. Pour certains, ils ont un aspect lugubre, triste, qu’ils préfèrent éviter. Pour d’autres, il s’agit de cet endroit où, chaque année, ils viennent saluer l’être cher disparu. Pour plusieurs, c’est également un patrimoine historique important. Bienvenue dans l’univers des quelque 1800 cimetières québécois.

Aux yeux de Mario Brodeur, architecte et aménagiste qui a dirigé la publication du premier Guide des cimetières du Québec, en 2012, faire le tour des cimetières du Québec «est une des plus belles façons de visiter le Québec». Car, selon lui, les plus beaux paysages de la province s’y trouvent. «Normalement, les gens choisissaient le plus bel emplacement pour leur cimetière. Ça donne, la plupart du temps, de très beaux points de vue, et ce, partout au Québec.»

L’aménagiste, qui a parcouru la province avec son équipe de la Fabrique Notre-Dame-des-Neiges pour répertorier les cimetières, a découvert que ces endroits sont également le reflet du savoir-faire d’antan propre à chacune des régions. Pour le découvrir, il ne faut cependant pas s’attarder aux pierres tombales en granit, devenues communes aujourd’hui, mais plutôt aux anciens monuments qui, eux, ont été conçus avec des particularités régionales. «Dans des régions où il n’y avait pas de pierres, on utilisait plus le béton par exemple», souligne-t-il. On remarque de nombreux monuments en aluminium au Lac Saint-Jean, beaucoup de fonte sur la Rive-Nord du fleuve et à Québec, tandis que le fer forgé était très populaire en Montérégie, explique M. Brodeur.

Le plus impressionnant des cimetières de la province est sans aucun doute le cimetière Notre-Dame-des-Neiges, à Montréal, avec plus de 900 000 défunts qui y reposent. Il s’agit du plus grand cimetière au Canada et du troisième en importance en Amérique du Nord. De grands personnages qui ont marqué l’histoire, tant au niveau politique, culturel et économique, ont choisi cet endroit. La majorité des cimetières de la province n’est évidemment pas aussi prestigieuse que ce dernier, mais lorsqu’on s’y attarde, on peut retrouver des personnages qui ont marqué chaque communauté à leur façon, comme le révèle la carte interactive réalisée par TC Media (http://www.lanouvelle.net/PageVolante/6649/Cimetieres-du-Quebec-et-vedettes).

Les cimetières s’adaptent

Mais ces cimetières sont-ils en bonne santé? Doit-on craindre de manquer d’espace dans les années à venir? Pour la présidente du conseil d’administration de l’Association des cimetières chrétiens du Québec (qui regroupe environ 1200 cimetières), Monique Morin, il n’y a pas lieu de s’alarmer. Elle reconnait que les petits cimetières commencent à se remplir. Mais ces derniers vont souvent se regrouper avec de grands cimetières situés à proximité qui ont suffisamment d’espaces. De nombreux cimetières ont également acheté des terrains aux alentours pour éviter de manquer de place éventuellement. «Si je prends comme exemple dans la région de Québec, à Saint-Romuald, il y a une quinzaine d’années, on a acheté des terrains qui étaient au pourtour du cimetière pour un éventuel agrandissement, explique Mme Morin. On n’en a pas besoin tout de suite, mais on s’est assuré une pérennité d’un autre 50-60 ans.»

La popularité de la crémation influence également le comblement des espaces pour l’inhumation dans les cimetières, car une urne nécessite beaucoup moins d’espace qu’un cercueil. «Dans un lot familial qui contenait six corps, vous avez de la place pour six à huit cendres, tout dépendant du contenant que vous allez emmener. Donc vous venez doubler la capacité du lot, parce que vous avez choisi l’incinération», souligne Mme Morin.

Comme aujourd’hui tous ne désirent pas être enterrés, les cimetières se sont adaptés à cette réalité. L’urne peut être entreposée dans un columbarium. D’autres préfèrent que leur cercueil soit entreposé dans une crypte, plutôt que mis en terre. La crypte se trouve dans un mausolée et on y dépose le cercueil. Peu importe la forme que prend le corps après le décès, il finit souvent par se retrouver au cimetière, selon Mme Morin. «Il ne faut pas se leurrer. Moi je commence à revoir, depuis plusieurs années, des gens qui avaient gardé des cendres à la maison». Ne voulant plus voir l’urne à la maison ou ne sachant pas quoi en faire, finissent par enterrer l’urne. «Tôt ou tard, les gens reviennent au cimetière.»