La stigmatisation, l’ennemi public numéro un

Ressentez-vous de l’inconfort en présence d’une personne atteinte d’un trouble mental? Engageriez-vous une personne ayant reçu un diagnostic de trouble mental? Seriez-vous prêt à entreprendre une relation et à avoir des enfants avec une telle personne? Les préjugés font partie de la vie de bien des gens en détresse, tellement que 70% des personnes vivant un problème de santé mentale préfèrent ne pas consulter. Portrait de la stigmatisation.

La santé mentale. L’Organisation mondiale de la santé la définit comme un «état de bien-être dans lequel l’individu réalise ses propres capacités, peut faire face aux tensions ordinaires de la vie, et est capable de contribuer à sa communauté». Une définition bien large qui ne fait pas état des conséquences des différents troubles mentaux pour la personne qui en est atteinte, à commencer par la stigmatisation.

Obstacle au rétablissement

«La stigmatisation, c’est le plus grand obstacle au rétablissement en santé mentale. C’est être pénalisé pour ce à quoi on est associé, ici le diagnostic, peu importe ce que l’on est en tant qu’individu», commence Laurence Caron, agent de projet à l’Association québécoise pour la réadaptation psychosociale (AQRP). «Imaginez un jeune homme qui a eu un diagnostic de trouble mental il y a plusieurs années. Aujourd’hui, il va bien et il est en relation avec une jeune femme. La mère de celle-ci l’apprécie beaucoup. Mais l’aimerait-elle autant, aurait-elle une opinion aussi favorable si elle était au courant du diagnostic? Devant cette incertitude, devant la peur de la réaction des autres, le jeune homme choisit souvent de ne pas aborder le sujet», illustre M. Caron.

Et la stigmatisation fait des ravages, tellement que bon nombre de ceux qui vivent avec des problèmes de santé mentale disent que la stigmatisation de la maladie est pire que la maladie elle-même. Selon un rapport de Santé Canada datant de 2002, «La stigmatisation et la discrimination obligent les gens à garder le silence sur leur maladie mentale, les amenant souvent à différer une demande de soins de santé, à éviter de suivre le traitement recommandé et à éviter de partager leurs préoccupations avec leur famille, leurs amis, leurs collègues, leur employeur et les dispensateurs de services de santé».

Combattre

«À mon avis, il est impossible d’éliminer complètement la stigmatisation. L’important, c’est de prendre des actions de lutte en parallèle», explique Laurence Caron. Sauf que ce ne sont pas tous les moyens qui sont bons. «Les campagnes traditionnelles vont donner de l’information, mais pas changer les comportements», ajoute celui qui est également responsable de la formation-mobilisation sur la lutte contre la stigmatisation.

Inutiles donc les publicités à la télé expliquant à grand renfort d’images tristes que la dépression est une maladie? «Elles n’ont pas l’impact voulu. Ce qui fonctionne le mieux, ce sont les stratégies contact. Non seulement elles permettent une réelle compréhension, mais en plus elles valorisent la personne qui a vécu un trouble mental», indique M. Caron.

Par exemple, la bibliothèque vivante, une activité au cours de laquelle on emprunte un livre vivant – une personne vivant ou ayant vécu des problèmes de santé mentale – pour un certain laps de temps afin de parler avec lui et d’apprendre à le connaître, représente pour l’Association québécoise pour la réadaptation psychosociale une stratégie contact originale et ludique

Reste qu’il y a de l’espoir selon Laurence Caron. «Oui, c’est possible de se rétablir. Et lutter contre la stigmatisation, c’est lutter pour le bien-être et le rétablissement», conclut-il

La stigmatisation

Attitude négative et défavorable qui fait en sorte que les personnes vivant avec un problème de santé mentale sont étiquetées, craintes et victimes de stéréotypes.

Quelques chiffres

*Un Québécois sur cinq sera touché de près ou de loin par la maladie mentale au cours de sa vie.

*Les maladies mentales les plus courantes sont la dépression (10% à 15% des gens en souffrent au cours de leur vie), les troubles anxieux et les psychoses.

*D’ici 2020, la dépression se classera au deuxième rang des principales causes d’incapacité à l’échelle mondiale, juste derrière les maladies cardiaques.

*Les problèmes de santé mentale en milieu de travail coûtent aux entreprises canadiennes près de 14 % de leurs profits annuels nets, soit jusqu’à 16 G $ annuellement.

*Source : Institut universitaire en santé mentale de Montréal