Bio rime avec Victo

VICTORIAVILLE. Ils ne sont que huit collégiens cette année à s’instruire… et à travailler dans les jardins de la ferme-école BioVicto au Boisé des frères. L’été prochain, ils formeront une cohorte record de 24 étudiants en agriculture biologique, record vite fracassé dès l’été 2016 alors qu’une quarantaine de collégiens s’annoncent pour la session prochaine. Qu’est-ce que cet engouement?

Aux abords de l’immense potager d’un hectare d’où sortent déjà ail, laitues, haricots, carottes, concombres, aubergines et zucchinis, Ghislain Jutras n’hésite pas à parler du «Victo bio». Et c’est ce «label» qui expliquerait la croissance de la clientèle collégiale en agriculture biologique.

Certes, le Cégep est le seul au Québec à offrir ce programme, note M. Jutras. La visibilité du programme s’est accrue avec une présence sur le Web (le blogue biovicto.com, par exemple) et sur Facebook. L’existence du CETAB+ (Centre d’expertise et de transfert en agriculture biologique), ses activités, son équipe de chercheurs de renom contribuent à alimenter la réputation «bio» de Victoriaville.

Ghislain Jutras observe que la moitié de la quarantaine des nouveaux arrivants de la session prochaine provient des alentours de Montréal, des urbains forcément. On l’avait déjà évoqué, la parution de l’ouvrage de Jean-Martin Fortier, Le jardinier maraîcher, a également participé à l’engouement pour l’agriculture biologique. «Au moins 10% de nos étudiants disent s’être inscrits au programme après avoir lu ce livre», mentionne Ghislain Jutras.

L’enseignant dit que non seulement le programme est plus attractif (cette année, un collégien vient d’aussi loin que l’Île-de-la-Réunion), mais qu’on a également trouvé des moyens de rétention. Grâce à des réseaux comme celui des «Joyeux maraîchers écologiques» que l’enseignant a créé il y a une dizaine d’années (au temps des «jeunes maraîchers») et la formation d’une Coopérative pour l’agriculture de proximité écologique (CAPÉ) favorisent cette rétention des maraîchers biologiques. Les réseaux offrent l’occasion d’échanges, de discussions, de formation, de projets de mise en marché. «Ils se créent des liens entre les producteurs et la relève», souligne l’enseignant, l’agriculture biologique devenant matière ou manière d’engagement politique.

Des jardins à agrandir

Pour faire en sorte que les 24 collégiens… et les 40 de 2016 apprennent et s’affairent autant que les huit de cette année à la ferme-école, il faut déjà prévoir un agrandissement des jardins et une nouvelle organisation du travail. Par trois systèmes de culture, manuel, mécanisé et semi-mécanisé, ils seront appelés à développer leurs compétences.

Actuellement et pour la quatrième année consécutive, les étudiants jardinent quelque 80 variétés de 35 espèces de légumes différents. L’immense potager d’un hectare comprend toujours trois ou quatre parcelles d’engrais verts (avoine, seigle, sarrasin, pois, ray-grass, vesce, etc.) pour reposer le sol tout en lui redonnant des nutriments après d’exigeantes cultures. «Pour éviter l’érosion et diminuer la pression des mauvaises herbes», ajoute le prof.

Dès l’an prochain, on ajoutera deux parcelles de 0,10 hectare, l’une que l’on travaillera en mode semi-mécanisé (sans tracteur), l’autre que l’on sèmera en seigle (pour le CETAB+) et cultiver un jour des plantes pérennes comme des fruits et des asperges. S’ajoutera aussi de la culture ornementale. Comme la clientèle augmente, un deuxième enseignant sera requis.

Leçons d’agriculture bio

Les habitués des jardins remarqueront la présence de maïs, une première… et le «champ» exclusif du prof Jutras, une façon pour lui de «rester en action».

Dans sa parcelle, il mène des expérimentations, comparant deux cultivars, deux modes de culture (avec et sans paillis de plastique) et des méthodes de fertilisation. Il réalise déjà que la plasticulture a favorisé la croissance de la plante. Mais il constate qu’à l’origine, la qualité du transplant revêt une grande importance. En tout cas, il sait aussi qu’il pourra produire ce qu’il faut pour l’annuelle épluchette de la fête de la rentrée.

C’est tout un cours qu’offre le prof en expliquant, pour chacune des parcelles, toutes les opérations requises en agriculture biologique. «On pense qu’en agriculture biologique, on ne fait rien parce qu’on n’utilise pas de pesticides ou d’insecticides!»

Comme les mailles du filet de sécurité en agriculture bio sont plus «larges», explique l’enseignant, le dépistage et la prévention constituent des clés. L’arrosage est localisé, tout le jardin étant quadrillé d’un système de boyaux d’où l’eau sort goutte à goutte. On recourra à des bâches pour couvrir certaines cultures (crucifères, poireaux) afin de les mettre à l’abri des insectes. Le basilic adore la bâche qui le tient aussi au chaud. On enlèvera à la main les «bibittes à patates» (doryphores) et, s’il le faut, on ira jusqu’à introduire des punaises soldats. On apprendra à manœuvrer le motoculteur, à organiser les tâches en fonction des conditions météorologiques. «On a un été fantastique!», s’exclame l’enseignant, avec juste ce qu’il faut de pluie.

S’ouvre le lundi 28 juillet

 

Le kiosque de vente des légumes bios de la ferme-école du cégep de Victoriaville situé derrière le Complexe Sacré-Cœur. Il est ouvert tous les jours de 8 à 18 heures et de 8 à 17 heures les samedis et dimanches.

Ils sont une quinzaine annuellement

Depuis une décennie, c’est en moyenne le nombre d’étudiants en agriculture biologique qu’accueille le cégep de Victoriaville. L’été suivant la deuxième année de leur programme d’études, ils travaillent, à raison de vingt heures par semaine, à la ferme-école où ils mettent leurs connaissances à l’épreuve.