D’heureux parents récompensés pour leur patience

VICTORIAVILLE. Les Victoriavillois Chantal Morissette et Gilles Roux sont, depuis le 8 juin, à 15 heures exactement, les heureux parents de Mahély une bambine de 22 mois née en Chine. Ils sont d’heureux et de patients parents, puisque cette petite aux yeux bridés, ils l’attendaient et la rêvaient depuis sept ans et sept mois!

Pendant tout l’entretien, la petite s’active, rampe, joue, boit à s’en étouffer, observe et sourit. On la sent éveillée, curieuse. Ses parents sont ravis.

Ils admettent toutefois que s’ils avaient su qu’il leur faudrait ronger leur frein pendant sept longues années, pas sûr qu’ils se seraient lancés dans cette aventure, Chantal étant aujourd’hui âgée de 43 ans, Gilles de 52.

Mais, dès qu’elle a tenu la petite dans ses bras, Chantal dit qu’elle a tout oublié de la longue attente, de la fatigue du voyage. Elle se remémorait ce que lui disait sa sœur lorsqu’elle accouchait. «L’enfant dans les bras, on oublie le mal qu’on a eu!»

«Ça a été un long chemin!», renchérit Gilles Roux.

Un long chemin que le couple tient à raconter.

Originaire de Victoriaville, Chantal Morissette rencontre Gilles en 1998. Il habite la Rive-Sud de Montréal et travaille dans le secteur de la construction. En 1999, elle, serveuse au Plus, décide d’aller s’installer avec son conjoint à Saint-Hubert, lui n’étant pas convaincu alors que Victoriaville puisse lui procurer de l’emploi.

«On voulait des enfants!», souligne Chantal. Ils ont tout essayé, jusqu’à l’insémination artificielle, pour se faire dire qu’ils faisaient partie de ces 5% de couples dont l’infertilité demeure inexpliquée.

Avant d’inscrire officiellement une demande au Secrétariat d’adoption internationale, en novembre 2006, le couple avait envisagé d’adopter au Québec. Les conditions ont peut-être changé depuis, mais à l’époque, rappellent les parents, il leur aurait fallu devenir famille d’accueil pendant au moins deux ans. Ils ne voulaient pas vivre le risque d’une séparation au cas où l’un des deux parents revienne chercher cet enfant auquel ils se seraient attachés.

«On a jasé de Russie… mais à l’époque, on ne prenait pas de nouvelles inscriptions.»

Lorsque, en novembre 2006, Chantal et Gilles ont formulé leur demande d’adoption pour un bébé chinois, on leur avait dit que l’attente était d’environ 18 mois.

On arrête de vivre

«On a arrêté de vivre pendant deux ans!», racontent-ils. Eux qui sortaient beaucoup, voyageaient, s’«entraînaient» en quelque sorte à leur future vie de famille. Déjà, dans leur maison de Saint-Hubert, ils avaient aménagé la chambre de la petite.

Entre-temps, ils se sont mariés – en 2004 – et, en 2010, toujours sans enfant, ont emménagé à Victoriaville, Gilles faisant la surprise à Chantal de se trouver un emploi ici, elle tellement heureuse de retrouver les siens.

N’adopte pas qui veut, confient-ils. Dans tous les sens du terme, il faut montrer patte blanche et se soumettre à une batterie de tests, rencontrer des psychologues, présenter des bilans de santé… même financiers, tous ces papiers devant être notariés, toutes les procédures assorties de factures.

Ils n’ont pas encore comptabilisé tous les frais, mais ils estiment que leurs démarches d’adoption, incluant l’inscription, les consultations, le voyage, le séjour en Chine, le salaire de leurs guides, l’argent remis à l’orphelinat, leur a coûté entre 25 000 $ et 30 000 $. «C’est un projet comme d’acheter un chalet, il faut mettre de l’argent de côté», note Gilles.

Il existerait désormais dans certaines institutions bancaires des prêts pour l’adoption et il y existerait aussi des crédits d’impôt, s’est laissé dire Chantal.

Mais les nouveaux parents n’abordent les aspects financiers de l’adoption que parce qu’on leur pose la question.

Ces sept ans d’attente, Chantal dit qu’ils ont été parsemés de moments de découragement, mais plus souvent de regains d’espoir. Elle suivait, sur le Net, la réalisation des jumelages… un peu comme on surveille le circuit de livraison d’un colis commandé à l’étranger. Parce que les parents adoptifs d’enfants chinois proviennent de tous les coins de la planète.

Il y a un an, Chantal et Gilles ont enfin su que leur tour s’approchait.

La maman explique que si le couple a attendu plus longtemps que d’autres, c’est qu’il souhaitait une petite fille en très bonne santé, de 0 à 12 mois de préférence. D’autres couples n’ont pas eu à attendre si longtemps, ouverts à l’idée d’adopter un enfant ayant des «besoins spéciaux».

Avec cinq autres familles, ils se sont embarqués le 6 juin pour se rendre d’abord à Beijing, puis à Nanchang, après avoir reçu le dossier de la petite Funiu, trouvée le 30 août 2012, dans une boîte de carton déposée sur une terrasse, bien à la vue. «Probablement née la veille en raison de l’état de son nombril.»

Dix-huit heures et demie d’avion – sans compter les escales – plus tard, les Victoriavillois se retrouvaient à l’aéroport où, comme dans les films, on les attendait avec une pancarte affichant leurs noms. Le 8 juin, dans un hôtel, on leur offrait la Mahély, toute petite pour ses 22 mois. «Les vêtements 18 mois qu’on avait apportés étaient beaucoup trop grands pour elle!», dit Chantal en souriant.

Touchant du bois, la nouvelle maman s’étonne que tout aille si bien, que, passé un bref épisode de curiosité, la petite ne manifeste aucun signe de déracinement. «C’est comme si elle avait toujours fait partie de notre vie», dit Chantal. Même pendant les longues heures de vol, Mahély n’a pas pleuré.

Elle a du caractère et apprend vite, observent ses parents. Elle mange de tout, dort bien et se montre attentive lorsqu’on lui parle, elle que le français doit dérouter un peu.

«On lui souhaite d’être bien», répond Gilles. Dans ce vœu, il y a tout l’espoir des parents que Mahély n’ait jamais à vivre une profonde crise d’identité.

De retour au pays le 19 juin, la vie de Chantal et Gilles n’est plus la même. «Avant, on soupait à 8 heures… Maintenant, on se couche presque à cette heure!», plaisante Gilles.